Loin d’être un simple exercice de récitation, le slam-poésie a évolué au fil des années pour s’affirmer comme une forme d’art hybride en constante expansion. Rejetant les frontières traditionnelles entre les disciplines, les slameurs contemporains n’hésitent plus à croiser les genres, mêlant avec audace les influences du hip-hop, du théâtre, de la musique et de la performance.
A quel point le slam-poésie est-il influencé par le hip-hop ?
Je suis sûr que vous savez que le hip-hop est né 10 ans environ avant le slam-poésie… Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, je vous propose un petit cours d’histoire !
Le hip-hop est né dans les années 1970 dans le Bronx, un quartier pauvre de New York. Il a ses racines dans la musique afro-américaine comme le funk, le R&B et la soul. Les premiers éléments reconnaissables du hip-hop sont : le DJing, le MCing, le breakdance, les graffitis, le style vestimentaire, le langage, les attitudes et la gestuelle, les supports médias…
Le décor étant planté, il faut noter que dans les premiers textes de hip-hop, les thèmes abordés reflétaient la dure réalité de la vie dans le Bronx à cette époque : la pauvreté, le chômage, la violence des gangs, la drogue etc. Les artistes ont alors utilisé le hip-hop comme un moyen d’expression et de dénonciation sociale. Le hip-hop s’est ensuite développé et diversifié au fil des années, devenant l’un des genres musicaux les plus influents au monde.
Les liens entre le hip-hop et le slam-poésie
L’origine urbaine et la fonction d’expression sociale ! Le hip-hop et le slam-poésie ont tous deux émergé dans les milieux populaires et défavorisés des villes, servant de moyen d’expression et de dénonciation sociale pour ces communautés. Le hip-hop dans les quartiers défavorisés du Bronx et le slam-poésie dans les bars de Chicago.
L’importance du texte et de la performance orale ! Dans les deux cas, le texte et la performance devant un public sont essentiels. Les MC’s du hip-hop et les slameurs partagent cette tradition de l’art de la parole.
L’utilisation du rythme et de la prosodie ! Le hip-hop s’appuie sur le rythme et la musicalité du texte, tout comme le slam-poésie qui travaille beaucoup la prosodie et la sonorité des mots.
Les thématiques sociales et identitaires ! Hip-hop et slam-poésie abordent souvent les mêmes thèmes liés à l’expérience des communautés marginalisées (racisme, pauvreté, violence, etc). Pour cela, je vous recommande vivement d’écouter la slameuse malgache Caylah dans son titre Madagascar qui parle de la situation précaire dans son pays et le congolais Ben Kamuntu dans ‘’Bossembo’’ qui signifie Justice en lingala, un clip de bonne facture dans lequel il réclame la justice pour les crimes restés impunis en RDC avec des paroles inspirées du rapport mapping publié par les Nations Unies en 2010.
L’esprit de compétition et d’improvisation ! Les battles de hip-hop et les joutes verbales de slam-poésie partagent cette dimension compétitive et d’improvisation devant un public.
Le hip-hop et le slam ont su s’enrichir mutuellement, partageant de nombreuses affinités et influences croisées au fil de leur développement. Ils représentent deux formes d’expression artistique et identitaire issues des mêmes racines urbaines. Depuis ses origines, le slam-poésie entretient une relation étroite avec le hip-hop. Le rythme, les sonorités et l’énergie de ce mouvement culturel se sont fortement imprégnés dans les prestations des slameurs, notamment avec l’utilisation de beats et de samples musicaux. Le hip-hop a été une source d’inspiration pour une majeure partie des slameuses et slameurs dans le monde. Le hip-hop et ses codes, son attitude, sa façon de jouer avec la langue a profondément marqué la manière d’aborder le slam. Et quand vous allez dans les plus grandes compétitions de musiques urbaines partout dans le monde, le slam-poésie se classe systématiquement dans la catégorie hip-hop !
L’influence du théâtre et de la performance art
Au-delà du hip-hop, le slam-poésie puise également son inspiration dans les arts de la scène. La mise en scène, la chorégraphie et le jeu d’acteur occupent une place centrale dans les prestations de nombreux slameurs. Même si le slam-poésie est considéré comme une forme de performance à part entière, beaucoup de slameuses et slameurs empruntent aux techniques du théâtre pour captiver leur public, jouer sur les émotions et les sensations.
Quand les slameurs montent sur scène, ils ne se contentent pas de réciter leurs textes, ils cherchent à incarner leurs mots, à les faire vivre à travers un jeu d’acteur et leur gestion de la scène. Cette dimension théâtrale se traduit par une gestuelle savamment maîtrisée, des déplacements rythmés et une utilisation de l’espace scénique pour capter l’attention du public. Loin d’être de simples accessoires, la mise en scène et la chorégraphie deviennent ainsi des outils expressifs à part entière, permettant aux slameurs de transcender la simple récitation pour offrir de véritables moments de performance. A ce jeu là, le sud-africain Thuthukena Myeza est un intraitable !
A lire : Quand le slam rencontre les arts visuels
Influence de la musique
Il faut reconnaître que le slam-poésie n’est plus ce qu’il était dans les années 80. C’est-à-dire un individu face à un trépied dans un coin du bar seul à raconter une histoire à un public. En tout cas, il n’est plus que ça. De plus en plus de slameurs intégrent des éléments mélodiques ou instrumentaux à leurs performances. Collaborant étroitement avec des musiciens, ils parviennent à créer de véritables pièces musicales où la voix se fond harmonieusement dans l’accompagnement. Cette influence se traduit également par de nombreuses collaborations entre slameurs et musiciens. Certains intègrent la musique live à leurs performances, invitant guitaristes, batteurs ou DJ à les accompagner. D’autres sollicitent des beatmakers pour créer des ambiances musicales sur mesure. Dans la plupart des cas, travailler avec des musiciens permet d’explorer de nouvelles possibilités expressives. Ainsi, les samples, les boucles, les arrangements enrichissent considérablement la pratique du slam.
Lydol, Mariusca, Harmonie ou encore Amee nous abreuvent regulièrement de ces mélanges de slam-poésie et de sons originaux.
Ces croisements interdisciplinaires, loin d’être un phénomène marginal, sont devenus monnaie courante dans le milieu du slam. Il faut avouer que beaucoup de personnes ont commencé le slam-poésie dans une ambiance très codifiée et ancrée dans une tradition orale mais aujourd’hui, elles n’hésitent plus à sortir des sentiers battus, à mélanger les genres, à repousser les limites de cet art à tel point que le slam est devenu un véritable laboratoire d’expérimentations, un espace de liberté où tout est possible. Et c’est ce qui fait sa richesse et sa créativité.