Dans un monde où les mots semblent parfois perdre de leur puissance, microMEGA, de son vrai nom Jean-Benoît Bandefu Bokoli, redonne au verbe sa force originelle. Poète et slameur originaire de Kinshasa, il se définit comme « Le Verbivore », celui qui se nourrit du verbe et qui, à son tour, nourrit les consciences. À travers ses œuvres, il conjugue sons et sens pour dénoncer les maux de son pays et célébrer l’humanité. Plus qu’un artiste, microMEGA est une figure majeure du slam en République Démocratique du Congo (RDC), un pionnier qui a transformé ce genre littéraire en une puissante arme d’expression et de réflexion.
Une carrière bâtie sur la passion du verbe
C’est en 2010 que microMEGA a fait son entrée dans le monde du slam, en interprétant son propre rôle dans un court-métrage. Depuis, son parcours est jalonné de créations marquantes, de performances emblématiques et d’une contribution inestimable à l’essor de cette discipline en RDC. Il a publié deux recueils de slams : « Au clair de ma voix – Poèmes à lire avec les oreilles » (2014) et « Rimes nationales – Slams colligés » (2017). En 2022, il a renforcé son empreinte avec la sortie de « Autorité orale », son premier album de slam/spoken word, enregistré en Belgique.
Mais au-delà des œuvres, c’est son engagement qui distingue microMEGA. En 2013, il a accompagné Grand Corps Malade sur scène à Kinshasa, une reconnaissance internationale pour cet artiste qui ne cesse de défendre la culture congolaise. Aujourd’hui, il partage sa passion à travers des ateliers, des scènes et des championnats organisés par le collectif LipopoSlam, qu’il a fondé pour promouvoir le slam en RDC.
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Le slam, une arme contre les maux du Congo
Pour microMEGA, le slam n’est pas qu’une forme d’art : c’est une arme de dénonciation et de transformation sociale. À travers ses textes, il aborde des thèmes poignants. Il en est ainsi des violences en RDC, la corruption, les injustices sociales et les conflits armés. Dans son poème « Escarmouche », il dépeint avec une acuité douloureuse les horreurs de la guerre et l’impuissance des dirigeants face à la souffrance de leurs peuples. « Depuis que le Zaïre s’appelle le Congo, la paix s’appelle la guerre », écrit-il. Soulignant l’ironie tragique d’un pays en proie à des conflits perpétuels.
Ses mots, à la fois tranchants et mélodieux, résonnent comme un cri d’alerte. Ils dénoncent la passivité face à l’injustice et invitent à l’action. Mais ils laissent aussi entrevoir une lueur d’espoir, celle d’un peuple capable de se relever et de braver les orages.
Une vie dédiée au slam
Ce qui rend microMEGA unique, c’est son choix audacieux de consacrer entièrement sa vie au slam. « Ça fait cinq ans que je ne vis que du slam », confie-t-il. Un défi de taille dans un pays où les métiers artistiques peinent souvent à assurer un revenu stable. Pourtant, cet engagement total témoigne de sa foi en la puissance du verbe. Et de son désir d’inspirer les nouvelles générations.
À travers ses ateliers dans les écoles et les centres culturels, il transmet son savoir et encourage les jeunes à s’approprier le slam comme un moyen d’expression et de résilience. Selon lui, le plus grand défi aujourd’hui est de créer « des scènes ouvertes permanentes et des ateliers très réguliers pour élever le niveau des gens ». Son collectif LipopoSlam répond à ce besoin en organisant des événements qui rassemblent les slameurs autour d’une même passion pour les mots.
Une reconnaissance qui dépasse les frontières
L’impact de microMEGA ne se limite pas à la RDC. En 2018, il a été lauréat du programme « Visas pour la Création » de l’Institut Français. Ce qui lui a permis de partir en résidence d’écriture à Paris. Ce séjour a marqué un tournant dans sa carrière. Lui offrant une visibilité internationale et l’opportunité de participer à la Coupe du Monde de Slam.
De retour à Kinshasa, il a organisé en 2019 la première édition du Grand Slam de Kin. Un tournoi de slam-poésie qui rassemble des talents venus de toute la région. Ambassadeur de la Coupe d’Afrique de Slam Poésie (CASP), microMEGA continue de porter haut les couleurs de la RDC sur la scène internationale. Prouvant que le verbe peut franchir toutes les frontières.
Le slam comme moteur de changement
À l’heure où le Congo fait face à de multiples défis, le travail de microMEGA prend une dimension plus essentielle. À travers ses textes, ses ateliers et ses performances, il éduque, sensibilise et mobilise. Mais il ouvre aussi la voie à une nouvelle génération de slameurs prêts à reprendre le flambeau.
Pour lui, le slam est un moyen de redonner une voix à ceux qui n’en ont pas. De transformer la douleur en création et de construire un pont entre les générations. Et si le chemin est encore long, microMEGA reste convaincu que le pouvoir des mots peut changer le monde. « Au milieu de combats qui font rage, je chante le courage de ceux qui bravent l’orage. »
Le verbe comme source d’espoir
En incarnant l’âme du Congo à travers son art, microMEGA fait bien plus que dénoncer les maux de son pays. Il redonne espoir. Son parcours, jalonné de défis et de succès, illustre la puissance du slam comme moteur de résilience et de transformation. Alors que le mouvement continue de grandir, porté par des figures comme lui, le verbe n’a jamais été aussi vivant. Et au-delà des mots, c’est une révolution silencieuse qu’il mène, une révolution où la poésie devient un acte de résistance.