Dans le vaste paysage artistique africain, le slam se distingue comme un puissant vecteur de créativité et d’expression culturelle. Au cœur de cette dynamique, Makwa JOMA, poétesse slameuse malgache, incarne une voix unique qui met en lumière la richesse et la complexité des langues africaines. En privilégiant le malgache dans ses performances, Makwa JOMA transcende les barrières linguistiques et géographiques, offrant des spectacles captivants à travers Madagascar et au-delà. Cette approche soulève une question fondamentale : quel rôle les langues nationales et locales jouent-elles dans l’évolution du slam sur le continent africain ?
Dans une interview exclusive avec Afro Slam, Makwa JOMA partage sa vision passionnée sur l’importance de valoriser les langues africaines dans le slam. Pour elle, l’utilisation du malgache n’est pas seulement une question de préférence artistique, mais une revendication de son identité et une tentative de préserver un patrimoine culturel menacé.
“Utiliser ma langue maternelle, c’est une manière de revendiquer mon identité et de préserver notre patrimoine culturel.” Makwa JOMA.
Loin d’être une simple préférence personnelle, l’intégration des langues nationales et locales dans le slam représente un acte politique et culturel significatif. En effet, la diversité linguistique de l’Afrique est un atout précieux qui, lorsqu’il est pleinement exploité, peut redéfinir la scène artistique du continent. Les performances en langues africaines permettent de créer une connexion plus profonde avec le public, enracinant les messages dans des contextes culturels authentiques et accessibles.
Makwa JOMA, à travers ses œuvres et ses projets, démontre que le slam en langues africaines n’est pas un phénomène éphémère, mais une véritable révolution culturelle. Dans cette interview, nous explorons les enjeux et perspectives de ce mouvement, mettant en lumière comment les langues nationales et locales enrichissent la pluralité du slam africain. Actuellement, JOMA prépare son premier album et une performance intitulée “Parce Que“, affirmant encore davantage son engagement envers cette révolution artistique.

Afro Slam : Peux-tu me parler de ton parcours en tant que slameuse ? Comment t’es-tu initiée à cet art ?
Makwa JOMA : Je m’appelle JOMA Fidelis Tinnah, mais en tant qu’artiste, je suis connue sous le nom de Makwa JOMA. Depuis mon enfance, les mots me fascinent par leur puissance, leur complexité, leurs contradictions et leur sens. Les mots permettent de créer de l’art, de mener des combats, de transformer des vies et de changer le monde. C’est ainsi que je suis devenue slameuse, utilisant cette expression artistique pour donner voix à mes pensées et à mes regards, tout en invitant les autres à découvrir le monde de mes rêves. En tant qu’activiste, je me suis également engagée à mettre mon art au service des sans-voix.
J’ai commencé mon parcours de slameuse en découvrant la puissance des mots et leur capacité à exprimer des émotions profondes et à éveiller les consciences. Inspirée par des poètes et des artistes qui utilisaient leur voix pour dénoncer les injustices, j’ai trouvé dans le slam un moyen de m’exprimer librement et de toucher les autres. Mon initiation a été marquée par des performances dans des petits cercles, puis en participant à des compétitions et des ateliers, où j’ai affiné mon art et découvert la richesse de la communauté slam.
Afro Slam : Tu vis dans un pays francophone. Mais tu utilises plus le malgache pour tes performances de slam que le français. Quel rôle joue la langue malgache dans ton travail de slameuse ? Pourquoi est-ce important pour toi d’utiliser cette langue ?
Makwa JOMA : En tant que poétesse malgache, la langue malgache est l’âme de mon art. Elle est le reflet de mon identité, de ma culture et de mon histoire. En utilisant le malgache pour mes performances de slam, j’honore mes racines et célèbre la richesse et la beauté de ma langue maternelle. C’est à travers elle que je tisse mes récits, transmets mes émotions et fais résonner les voix de ceux qui ne sont pas entendus. Le malgache me permet de toucher profondément le cœur de mon peuple, de créer une connexion authentique et de préserver notre patrimoine linguistique.
En utilisant le malgache, je rends hommage à mes ancêtres et je contribue à la pérennité de notre langue dans un monde de plus en plus globalisé.
Afro Slam : Au-delà de l’affirmation de soi, est-ce que le choix du malgache pour tes prestations scéniques ne limite pas la portée de tes messages à un petit cercle de personnes ?
Makwa JOMA : C’est vrai que l’utilisation du malgache peut sembler limiter la portée de mes messages, mais je crois fermement que l’authenticité et la profondeur de l’expression transcendent les barrières linguistiques. Les émotions et les thèmes que j’aborde sont universels, et même ceux qui ne comprennent pas la langue peuvent ressentir l’essence de mon message à travers ma performance. De plus, j’intègre parfois des traductions ou des explications pour rendre mes œuvres accessibles à un public plus large.
Bien que j’aime ma langue maternelle, cela n’exclut pas mon appréciation des autres langues. C’est avec plaisir et honneur que je les intègre dans mon art pour véhiculer mon message.
Afro Slam : Selon toi, comment le slam peut-il contribuer à préserver et valoriser la diversité linguistique en Afrique ?
Makwa JOMA : Le slam a le pouvoir unique de célébrer la diversité linguistique en Afrique en offrant une plateforme où différentes langues et cultures peuvent s’exprimer. En intégrant les langues locales dans le slam, nous pouvons montrer la richesse et la beauté de nos langues, encourager les jeunes à les utiliser et les préserver, et renforcer notre identité culturelle. Le slam peut devenir un outil de valorisation des langues africaines, en les rendant vivantes et pertinentes dans le contexte contemporain.
Afro Slam : Aujourd’hui, qu’est-ce qui fait la force de ton approche, celle de performer en malgache ?
Makwa JOMA : La force de mon approche réside dans l’authenticité et la connexion profonde avec mon public. En performant en malgache, je crée une intimité et une familiarité qui résonnent avec ceux qui partagent cette langue et cette culture. Cela permet également de préserver notre patrimoine linguistique et d’inspirer les jeunes à embrasser leur identité culturelle. Mon approche montre que nous pouvons être fiers de notre langue et de notre culture, et que nous pouvons les utiliser pour exprimer des idées puissantes et universelles.
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Afro Slam : Quelle est ta vision de l’avenir du slam africain en termes de diversité linguistique ?
Makwa JOMA : Je vois un avenir où le slam africain embrasse pleinement sa diversité linguistique, où les artistes utilisent leurs langues maternelles pour exprimer leurs pensées et leurs émotions. Un avenir où le slam devient une vitrine pour la richesse culturelle de l’Afrique, encourageant la fierté linguistique et la solidarité entre les différentes communautés. Cette diversité linguistique enrichira non seulement le slam mais aussi la compréhension et l’appréciation des cultures africaines à travers le monde.
Afro Slam : En tant que slameuse, comment choisis-tu les langues que tu utilises pour tes textes ? Qu’est-ce qui guide ce choix ?
Makwa JOMA : Le choix de la langue dépend souvent du message que je veux transmettre et de l’audience à laquelle je m’adresse. Pour des thèmes très personnels ou liés à la culture malgache, j’utilise le malgache pour sa profondeur émotionnelle. Pour toucher un public plus large ou pour des collaborations internationales, j’incorpore le français ou d’autres langues. Ce choix est guidé par le désir de rester fidèle à moi-même tout en rendant mon message accessible et compréhensible à ceux qui m’écoutent.
Afro Slam : Peux-tu me décrire l’impact que peut avoir l’utilisation des langues africaines sur le public lors de tes performances ?
Makwa JOMA : L’utilisation des langues africaines dans mes performances crée un sentiment de fierté et de reconnaissance chez le public. Cela renforce l’identité culturelle et valorise notre patrimoine linguistique. Pour ceux qui parlent la langue, cela crée une connexion émotionnelle et une compréhension plus profonde de mes messages. Pour ceux qui ne parlent pas la langue, cela offre une fenêtre sur une culture et une tradition différentes, élargissant ainsi leur perspective et leur appréciation de la diversité.
Afro Slam : Quels conseils donnerais-tu à de jeunes slameurs qui souhaitent intégrer davantage leurs langues maternelles dans leur pratique ?
Makwa JOMA : Je leur dirais d’embrasser leur langue maternelle avec fierté et de ne pas hésiter à l’utiliser dans leurs performances. Leur langue est une partie intégrante de leur identité et apporte une richesse unique à leur art. Qu’ils n’aient pas peur des critiques ou des obstacles linguistiques, car l’authenticité et la passion résonneront toujours. Qu’ils s’entourent de mentors et de pairs qui les soutiennent et les encouragent dans cette démarche.
Afro Slam : Comment réagis-tu face aux critiques ou aux préjugés qui peuvent parfois exister envers l’utilisation des langues africaines dans le slam ?
Makwa JOMA : Je réponds à ces critiques avec confiance et conviction. J’explique l’importance de valoriser nos langues et notre patrimoine culturel. Je montre par mes performances que les langues africaines ont une beauté et une puissance uniques qui méritent d’être célébrées. Les préjugés sont souvent basés sur l’ignorance ou la peur de l’inconnu, et je vois chaque performance comme une opportunité d’éduquer et de changer les perspectives.
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Afro Slam : Quels sont les projets ou les initiatives qui, selon toi, méritent d’être mis en avant pour promouvoir le plurilinguisme dans le slam africain ?
Makwa JOMA : Des initiatives comme des festivals de slam multilingues, des ateliers de slam dans les écoles pour encourager les jeunes à utiliser leurs langues maternelles, et des collaborations internationales qui mettent en lumière la diversité linguistique sont essentielles. La création de plateformes en ligne dédiées aux performances en langues africaines et des programmes de mentorat pour jeunes artistes sont également des moyens efficaces de promouvoir le plurilinguisme.
Afro Slam : Qu’espères-tu transmettre à travers l’utilisation des langues africaines dans ton travail de slameuse ?
Makwa JOMA : J’espère transmettre un message de fierté et de respect pour notre patrimoine linguistique et culturel. Je veux montrer que nos langues sont vivantes, puissantes et capables d’exprimer des idées complexes et des émotions profondes. Mon objectif est de contribuer à la préservation de nos langues et d’inspirer les générations futures à les utiliser et les valoriser dans leur art et leur vie quotidienne.
Afro Slam : Quel est ton plus grand rêve pour le slam-poésie africain ?
Makwa JOMA : Mon plus grand rêve est de voir le slam-poésie africain reconnu et célébré à l’échelle mondiale, avec une diversité linguistique et culturelle qui reflète la richesse de notre continent. Je souhaite que les slameurs africains puissent s’exprimer librement dans leurs langues maternelles et que leur art soit apprécié pour sa profondeur et son authenticité. Je rêve d’un avenir où le slam-poésie devient un vecteur de changement social et de solidarité à travers l’Afrique et au-delà.
Afro Slam : Des projets en cours ?
Makwa JOMA : Je travaille actuellement sur la préparation de mon premier album. En parallèle, je mets en place une performance intitulée “Parce Que”.
Afro Slam : Un dernier mot à l’endroit de nos lectrices et lecteurs ?
Makwa JOMA : Je vous encourage à célébrer et à valoriser vos langues et vos cultures. N’ayez pas peur d’utiliser votre voix pour exprimer ce qui vous tient à cœur et pour lutter contre les injustices. Le slam est un outil puissant pour le changement, alors utilisez-le pour faire entendre vos messages. Continuez à soutenir les artistes et les initiatives qui promeuvent la diversité et l’égalité. Ensemble, nous pouvons créer un monde plus juste et plus inclusif.