Le slam, ce genre poétique qui mêle parole et performance, s’est imposé en Afrique comme un outil puissant de communication et de changement social. Sur tout le continent, des artistes utilisent cette forme d’expression pour aborder des thèmes cruciaux, de la politique aux questions environnementales, en passant par les droits humains. Mais comment ces voix poétiques influencent-elles réellement les sociétés africaines ? Cet article explore le rôle du slam dans l’engagement social, la résistance politique et le développement durable en Afrique.
Le slam est plus qu’une simple performance artistique ; c’est un miroir de la société. Des artistes slameurs comme Souleymane Diamanka au Sénégal et Matur Mandela Ade au Soudan du Sud abordent des sujets allant des inégalités économiques aux discriminations sociales. Leurs performances rendent ces problématiques accessibles et compréhensibles pour un large public. Le slam compte de plus en plus d’adeptes permettant aux jeunes de s’exprimer sur des sujets qui les touchent directement. Il donne une voix à ceux qui sont souvent exclus des débats publics. En effet, le slam est souvent pratiqué dans des contextes informels, comme les rues et les places publiques, ce qui permet une large diffusion des messages.
Le slam-poésie ou le pouvoir de la parole
Les slameurs utilisent la puissance de la parole pour susciter des prises de conscience. Par exemple, lors des compétitions de slam, des poèmes dénonçant la corruption ou plaidant pour l’égalité des genres résonnent fortement. Ces événements attirent non seulement des amateurs de poésie, mais aussi des militants et des citoyens engagés, créant ainsi des espaces de dialogue et de réflexion collective. Le slam en Afrique n’est pas seulement un outil d’expression personnelle ; il est également un moyen de résistance politique. Dans des pays où la liberté d’expression est souvent menacée, le slam devient un canal pour dénoncer les injustices et mobiliser les masses. Par exemple, lors des manifestations contre les troisièmes mandats de présidents africains des slameurs ont joué un rôle clé en galvanisant les foules, en criant leur ras le bol.
A Madagascar, Caylah dénonce l’injustice et l’effritement des valeurs de solidarité dans son pays dans unebm vidéo de 2 minutes. C’était en 2016. Cette même année, elle sera conviée pour une performance à la cérémonie d’ouverture de XVIe sommet de la Francophonie à Antananarivo devant un parterre de chefs d’États africains.
Paroles en l’air une slameuse comorienne de 15 ans nous livre un message de paix dans son texte “Au rêve que l’on rêve” refusant de renoncer à ses beaux rêves de liberté. Le slameur Kamite GN de la Guinée Conakry regrette que les gens ne se tiennent plus main dans la main pour construire leur pays dans son texte modestement intitulé “Paix“.
Le slam-poésie en Afrique : un outil de dénonciation de mobilisation et de solidarité
Les textes de slam sont souvent des critiques acerbes des régimes en place. Le slam est devenu une forme de journalisme citoyen, les slameurs parlent des réalités que les médias traditionnels ne peuvent ou ne veulent pas aborder en prenant clairement position. Ce rôle de dénonciation est particulièrement visible dans des pays comme le Zimbabwe et le Tchad où des artistes utilisent le slam pour critiquer les abus de pouvoir et appeler à des réformes démocratiques.
Le slam crée également des réseaux de solidarité entre les artistes et les militants. Des festivals de slam, comme le Festival International N’Djam S’enflamme en Slam au Tchad et même la Coupe d’Afrique de Slam-Poésie rassemblent des slameurs de toute l’Afrique, renforçant ainsi les liens entre différentes luttes locales et nationales. Ces événements sont des plateformes pour partager des stratégies de résistance et des histoires de succès, inspirant ainsi une nouvelle génération d’activistes ou simplement de jeunes qui s’intéressent de près aux décisions politiques qui finissent par retomber sur eux.
En République Démocratique du Congo, Ben Kamuntu s’illustre comme un slameur qui allie activisme et poésie pour rétablir l’ordre, la justice, le goût de vivre… Dans cette même lancée naîtra Bossembo qui signifie justice en lingala une vidéo produite sur la base du rapport mapping publié par les nations unies en 2010 sur les crimes commis en RDC.
Slam-poésie et développement durable
Le slam en Afrique est bien plus qu’une simple forme d’art ; c’est un puissant vecteur de changement social, politique et environnemental. En donnant une voix aux sans-voix, en dénonçant les injustices et en mobilisant pour des causes cruciales, les artistes slameurs jouent un rôle essentiel dans la transformation de leurs sociétés.
Au-delà des questions sociales et politiques, le slam joue aussi un rôle crucial dans la sensibilisation aux enjeux environnementaux. En Afrique, où les effets du changement climatique sont particulièrement ressentis, des artistes slameurs se sont engagés dans la lutte pour le développement durable.
Slam et sensibilisation écologique
Les performances de slam sur l’environnement abordent des thèmes cruciaux tels que la déforestation, la pollution et la gestion de l’eau, rendant ces enjeux plus accessibles et engageants pour le public. Par exemple, les sensibilisations à la crise de l’eau, incitant des actions communautaires pour améliorer la gestion des ressources en eau. Les méfaits de la pollution plastique à travers des poèmes viraux, encourageant ainsi les pratiques de recyclage.
Au Cameroun, la 7ème saison du Grand Slam National Cameroun met en compétition des slameuses et slameurs autour de la question de la conscience écologique et le projet Urban Art 4 Climate vient renforcer la lutte contre le changement climatique.
Le slam s’impose également comme un outil éducatif puissant. En Tanzanie, des programmes scolaires utilisent la poésie pour enseigner aux élèves les principes du développement durable, abordant des sujets comme la déforestation, la biodiversité et la conservation de l’eau. Cette méthode interactive permet de rendre les concepts complexes plus compréhensibles et engageants pour les jeunes générations. Plusieurs techniques sont développées pour faciliter la compréhension de certains enjeux comme des ateliers de slam couplés à des formations sur l’agriculture biologique, aidant les participants à acquérir des compétences pratiques tout en s’inspirant de la poésie pour motiver le changement. Des campagnes de nettoyage de plages sensibilisant à la réduction des déchets et à la protection des écosystèmes marins, des mouvements de reforestation pour planter des milliers d’arbres, contribuant à la lutte contre la désertification, des sensibilisations sur les énergies renouvelables encouragent l’adoption de solutions énergétiques durables, des projets en zones rurales aidant les agriculteurs à s’adapter aux changements climatiques par des techniques d’agroforesterie et de gestion intégrée des ressources en eau…
Les slameurs du Niger sont des avant-gardistes avec le concours slam vert, une alliance créative entre l’écologie et le slam pour un avenir durable. Le slam ne se contente pas de sensibiliser ; il mobilise également pour l’action. Des campagnes de nettoyage de plage aux initiatives de reforestation , les slameurs sont souvent à l’avant-garde des mouvements écologiques. Leur capacité à toucher les cœurs et les esprits fait du slam un outil efficace pour inciter à des comportements plus respectueux de l’environnement.
À la croisée de la poésie et de l’activisme, le slam sensibilise, éduque et incite à l’action sur des questions sociétales cruciales. Le slam en Afrique ne se contente pas de dénoncer les problèmes ; il propose des solutions et mobilise les communautés pour agir. En sensibilisant aux enjeux environnementaux, en éduquant les jeunes générations et en incitant à des actions concrètes, les slameurs jouent un rôle crucial dans le développement durable du continent.
Les défis des slameurs dans la mobilisation pour le développement durable en Afrique
Le slam en Afrique, en tant qu’outil de mobilisation pour le développement durable, rencontre divers défis. Les slameurs doivent surmonter des obstacles financiers significatifs, car la plupart des initiatives sont autofinancées ou dépendent de petites subventions, limitant ainsi leur portée et leur durabilité. L’accès aux infrastructures nécessaires pour organiser des événements, tels que les espaces de performance et les équipements audio-visuels, est souvent limité ou coûteux, particulièrement dans les régions rurales, ce qui affecte la qualité et l’impact des performances.
Les barrières culturelles et linguistiques constituent un autre défi majeur. La diversité linguistique en Afrique signifie que les messages en langues locales peuvent ne pas être compris par tous, réduisant ainsi l’efficacité des campagnes de sensibilisation. De plus, dans certaines communautés, les préoccupations environnementales sont souvent éclipsées par des valeurs traditionnelles ou des priorités économiques immédiates, rendant la mobilisation autour des questions de durabilité plus complexe. Les slameurs doivent naviguer entre le respect des traditions locales et l’introduction de nouvelles idées sur le développement durable, ce qui peut parfois susciter des résistances.
Enfin, les slameurs font face à des obstacles politiques, sociaux et technologiques. La liberté d’expression est limitée dans certains pays africains, exposant les artistes à la censure ou à des représailles lorsqu’ils abordent des sujets sensibles. L’accès limité à la technologie et à Internet entrave la diffusion des messages de slam, tandis que la concurrence avec d’autres formes de médias et de divertissement exige des innovations constantes pour capter l’attention du public. Pour surmonter ces défis, les slameurs doivent trouver des moyens créatifs et collaboratifs pour renforcer l’éducation environnementale et relier les enjeux de durabilité aux préoccupations quotidiennes des communautés.