Le 6 octobre 2020 restera à jamais gravé dans la mémoire collective sénégalaise et africaine comme un jour d’une tristesse indicible. Ce jour-là, Al Fàruq, de son vrai nom Abdourahmane Dabo, quittait ce monde brusquement, terrassé par une crise d’asthme à Diamniadio. Dans la stupeur et l’émotion, c’est tout un peuple qui, en silence, a pleuré la disparition de celui qui avait su, en quelques années seulement, incarner l’espoir et la voix de toute une jeunesse à travers l’art du slam. En à peine trois ans, Al Fàruq avait non seulement conquis les cœurs, mais aussi érigé le slam sénégalais au rang de référence continentale et internationale. Aujourd’hui, quatre ans après sa disparition, son souvenir demeure vivace, et ceux qui l’ont aimé continuent d’avoir une pensée pieuse en sa mémoire.
Al Fàruq, c’est un parcours fulgurant
Né à Bignona, en Casamance, Al Fàruq n’aura eu besoin que de très peu de temps pour s’imposer comme une figure incontournable du slam au Sénégal. Pourtant, son amour pour la poésie remontait à bien plus longtemps. Dès l’âge de 12 ans, il se découvre une passion pour les mots et leur pouvoir évocateur. Mais c’est en 2017, après un master en Géographie à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, qu’il décide de se lancer pleinement dans le slam. En l’espace de trois années, de 2017 à 2020, il parvint à sublimer cet art. A l’enrichir de sa sensibilité et à en faire une arme de revendication, de réflexion et d’émancipation.
Champion national de slam en 2018, il se distingue par une plume acérée et une présence scénique captivante, qui lui valent d’être couronné cette même année lors de la Coupe d’Afrique de Slam à N’Djamena, au Tchad. Cette compétition, qui réunissait plus d’une vingtaine d’artistes issus de pays francophones et anglophones du continent, marque un tournant décisif dans sa carrière. Al Fàruq devient alors une figure de proue du slam africain, porté par des textes empreints d’une profondeur philosophique rare et d’une lucidité sans faille sur les réalités sociales, politiques et culturelles de son temps.
Un poète engagé et rassembleur
Les mots d’Al Fàruq n’étaient pas uniquement portés par la beauté de la langue. Mais aussi par une volonté farouche de défendre des idéaux et de sensibiliser la jeunesse à des causes universelles. À travers ses slams, il abordait des thématiques variées. Les inégalités sociales, l’injustice, l’amour, l’identité et la quête de sens. Son recueil de poèmes, “Déluge de l’esprit“, publié en 2015, témoigne de cette capacité à allier introspection et critique sociale.
En remportant le Prix du Public du Grand Slam National en 2018, le jeune poète prouve une fois de plus sa capacité à toucher un large auditoire, à transcender les barrières linguistiques et culturelles. Ce talent, il le confirma en 2019. Lorsqu’il fut finaliste du prestigieux Prix Jeunes Écritures AUF-RFI, récompensant ainsi ses multiples talents littéraires, non seulement en tant que slameur, mais aussi en tant que nouvelliste. Son œuvre “Le Carnet”, retenue parmi les finalistes du Prix Stéphane Hessel de la Jeune Écriture Francophone en 2015, est un autre exemple de l’étendue de son génie littéraire.
Un héritage dans le cœur des Sénégalais
Al Fàruq n’était pas seulement un artiste talentueux ; il était un rassembleur. Autour de lui, il avait su fédérer une communauté de jeunes, pour qui il incarnait un modèle à suivre. Son engagement auprès de la jeunesse sénégalaise, reste un des aspects les plus marquants de son héritage. Il voyait dans l’art un outil de transformation sociale, un levier pour éduquer et éveiller les consciences.
Dans un pays où la jeunesse est souvent confrontée à des difficultés économiques, sociales et politiques, Al Fàruq avait su redonner espoir, montrer que la parole pouvait être un espace de liberté et de revendication. En cela, son rôle allait bien au-delà de l’expression artistique ; il était un guide, un éclaireur des temps modernes. Ses textes résonnent encore aujourd’hui comme un appel à la dignité, à la justice et à la solidarité.
Un poète éternel
La disparition d’Al Fàruq a laissé un vide immense dans le paysage culturel sénégalais. Cependant, son œuvre continue de vivre à travers les mots qu’il a laissés derrière lui. A travers les souvenirs qu’il a imprimés dans la mémoire de ceux qui l’ont côtoyé. Pour beaucoup, il est et restera une étoile filante, un artiste qui a brillé intensément, bien que trop brièvement.
Son décès, survenu si brutalement, a été un choc pour ses fans, ses amis et sa famille. Mais au-delà de la douleur, c’est l’admiration pour son parcours et sa contribution à l’art qui domine. Al Fàruq, malgré son départ prématuré, a su marquer de son empreinte indélébile la scène culturelle et littéraire sénégalaise. Il a prouvé que l’on pouvait, par la parole et la poésie, faire bouger les lignes. Eveiller les consciences et ouvrir des horizons de réflexion et de liberté.
Comme une prémonition, il écrira ce texte :
“Souvenez-vous de moi et je vivrais à travers vous
Souvenez-vous de chaque instant de joies que nous avons partagé et dans chacun de vos instants de tristesse à vos côtés je serai
Souvenez-vous que la vie est un rêve éveillé et chacun de vos rêves vous réaliserez
Souvenez-vous que rien ne dure et que c’est justement la beauté de l’éphémère qui a rendu tous nos moments particuliers
Souvenez-vous de moi car chacun de vous loge en moi ,en mon cœur
Vous avez tous illuminé mon chemin de vie et j’espère que moi aussi
Souvenez-vous de #democratisezlebonheur car rien n’est plus beau que de donner aux autres son cœur
Au revoir mes ami(e), mes frères, mes sœurs, vous êtes tous chers à mon cœur.
Je m’en vais le cœur apaisé contre la voleuse de souffle j’ai lutté
Elle ne pourra jamais voler le sourire sur mon visage que votre amour m’apporté
#restinjoy Al Fàruq… Le Prince des mots”
Un exemple pour les générations futures
Aujourd’hui, quatre ans après sa disparition, la jeunesse sénégalaise continue de se souvenir de lui avec émotion et reconnaissance. Il est devenu une source d’inspiration pour de nombreux poètes et slameurs en devenir. Son parcours, son engagement et son talent sont des exemples à suivre pour les générations futures. La relève du slam sénégalais, si elle est en de bonnes mains, doit beaucoup à ce pionnier.
Si Al Fàruq nous a quittés tragiquement il y a quatre ans, son héritage, lui, demeure. Plus qu’un simple slameur, il était un poète visionnaire, un artiste engagé, un fédérateur de consciences. À travers ses mots, il a su exprimer les espoirs et les combats d’une jeunesse en quête de justice. Aujourd’hui encore, ceux qui l’ont côtoyé, aimé et admiré continuent de lui rendre hommage. Et surtout de garder une pensée pieuse en sa mémoire. Car, les mots ne meurent jamais, ils continuent de résonner dans le cœur de ceux qui les écoutent.
Hommages
Lydol : “NON ! NON ! NON ! SEIGNEUR, NON… Je ne sais plus ce que la vie nous réserve ou si le but de tout ça c’est juste la mort qui nous attend au tournant… Il y a 2 ans l’art m’a permis de rencontrer sa plume et son être. Premier Champion de la Coupe d’Afrique de Slam Poésie il sappel..ait… Al Faruq. Pour avoir été dans le jury de cette compétition je garde en mémoire chacune de ses prestations et je connais même son texte de la finale par coeur tellement il m’avait marqué. Toujours à slamer le sourire aux lèvres et à parler avec sa bouche et ses mains. L’un des meilleurs slameurs que je connaisse nous a quittés… Frère d’Art Que ta plume repose en paix. Fais danser les anges au rythme de tes mots… On se revoit de l’autre côté.”
Mesko : “Le poète est mort, vive le poète”
Fatine Moubsit : “Ma plume s’assèche.. et je ne retrouve les mots pour exprimer la brutalité d’un nouveau départ d’un être cher de ma vie.
Tellement submergée de mots, de maux que je perds au bout de chaque phrase ce qui peut la compléter..
Al Fàruq que dire maintenant que tu n’es plus là.. et que mélancoliquement je te porte en moi.. un silence profondément amer m’envahit mais je laisse les pauvres doigts d’une endeuillée, monter, descendre.. dans l’espoir de rassembler quelques bribes de mots en ton hommage et qui même en devenant des montagnes immenses ne pourraient suffire en ton image..
Le monde du slam est en deuil.. le nôtre.. le mien en tout cas !
Je décide d’arrêter mes mots sur ça.. le reste m’appartient.
RIP
(F.M)”