Kinshasa — Dans le vaste panorama artistique de la République Démocratique du Congo, une figure émerge avec éclat : celle de Yekima De Bel Art, alias “Le Poésident du Slam”. Artiste pluridisciplinaire, il s’est imposé depuis 2008 comme un pionnier du slam francophone en Afrique, fusionnant habilement cette forme de poésie urbaine avec l’âme de la rumba congolaise. À travers ses textes engagés, ses performances scéniques et ses choix esthétiques, Yekima incarne une voix singulière, celle d’un Congo en quête de reconnaissance culturelle et historique.
Alors que la rumba congolaise est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco depuis 2021, Yekima De Bel Art est devenu l’un de ses plus fervents ambassadeurs. Mais ce qui le distingue particulièrement, c’est sa capacité à mêler cette musique iconique à la puissance narrative du slam, créant ainsi un pont artistique unique entre tradition et modernité.
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Le parcours d’un poète engagé
Né MELO COSTA Yekima, cinquième d’une famille modeste de sept enfants, Yekima a grandi dans le quartier populaire de Kingasani, en banlieue kinoise. Dès l’enfance, il découvre son amour pour les mots à travers la poésie, la musique et le théâtre. À l’âge de 13 ans, il se lance dans le rap au sein de groupes locaux, avant de se tourner progressivement vers un style plus poétique et introspectif : le slam.
C’est en 2008 que Yekima se fait connaître dans le milieu artistique congolais en tant que slameur. Son engagement pour les causes humanitaires et sociales transparaît dans ses textes. Comme en témoigne son premier single, “Haïti dans un cœur”, sorti en 2010. Un hommage aux victimes du séisme qui frappa durement le pays caribéen la même année. À travers cette œuvre, Yekima ne se contente pas de décrire la douleur. Il invite à une réflexion sur la solidarité internationale et l’importance de l’empathie face aux tragédies humaines.
La fusion entre slam et rumba congolaise
Ce qui fait la particularité de Yekima, c’est son amour pour la rumba congolaise ! Un genre musical qui fait partie de l’identité nationale congolaise. Inspiré par les grands noms de la rumba, tels que Franco Luambo et Papa Wemba, Yekima a trouvé un moyen innovant de combiner cette musique traditionnelle avec les rythmes et les textes modernes du slam. La rumba, c’est l’âme du Congo. Elle raconte les joies, les peines, et les espoirs de tout un peuple. Avec le slam, il rend hommage à cette musique tout en y ajoutant ses propres mots, ses propres histoires.
Cette fusion musicale est au cœur de titres comme “Je te présente Kinshasa” ou “Les années du Zaïre”. Yekima y revisite l’histoire de son pays, notamment l’ère de Mobutu Sese Seko, l’ancien président de l’ex-Zaïre. Ce dernier titre a d’ailleurs été plébiscité par de nombreux médias internationaux, de France 24 à BBC Afrique, en passant par RFI et TV5 Monde. En revisitant l’histoire politique et culturelle de son pays, Yekima joue un rôle de passeur de mémoire. Donnant à ses auditeurs l’occasion de réfléchir sur l’identité congolaise.
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Une esthétique visuelle marquée par le pagne
Au-delà de son talent musical, Yekima De Bel Art est également reconnu pour son style vestimentaire singulier. Toujours habillé de pagnes aux motifs colorés et originaux, l’artiste ne déroge jamais à cette esthétique qui fait partie intégrante de son identité. Le pagne, symbole de la culture africaine, devient sous ses traits un outil de revendication culturelle.
Pour cet artiste, le pagne, c’est plus qu’un simple vêtement. C’est une manière de dire au monde qu’il est fier de ses racines, qu’il porte en lui l’histoire de son peuple.
Ce choix vestimentaire, loin d’être anodin, apporte une dimension visuelle forte à ses performances scéniques. Chaque couleur, chaque motif raconte une histoire. Il a ainsi réussi à transformer ses concerts en véritables spectacles, où l’esthétique visuelle et la profondeur des textes se répondent.
Un artiste engagé pour des causes nobles
L’engagement de Yekima va au-delà de la simple performance artistique. En 2019, il dévoile “Place Mukwege”, une chanson dédiée au Docteur Denis Mukwege. Prix Nobel de la Paix, pour son travail auprès des femmes victimes de violences sexuelles en RDC. Ce morceau, chargé d’émotion, est un appel à la reconnaissance du travail héroïque de cet homme. Mais aussi une dénonciation des violences faites aux femmes dans les zones de conflit.
De même, en 2020, en pleine pandémie de Covid-19, Yekima sort “Mpiak’Corona”. Une composition qui dresse un portrait poignant de la vie à Kinshasa durant le confinement. Cette chanson, qui a résonné auprès de nombreux Congolais, met en lumière les difficultés économiques et sociales exacerbées par la crise sanitaire, tout en rappelant la résilience du peuple congolais face à l’adversité.
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Une carrière internationale en pleine expansion
Yekima De Bel Art ne se contente pas d’être une star au Congo. Il a su s’imposer sur les scènes internationales, séduisant des publics aussi bien en Afrique qu’en Europe. Yekima est un habitué des grands festivals. Il a notamment fait vibrer les spectateurs lors d’événements prestigieux, comme le Festival des Francophonies en Limousin ou le MASA (Marché des Arts du Spectacle Africain) à Abidjan. À chaque performance, son charisme, sa voix puissante et son message universel touchent un public toujours plus large.
Grâce à sa polyvalence artistique, Yekima a réussi à transcender les frontières culturelles et linguistiques. Son slam, bien que majoritairement en français et en lingala, résonne auprès de tous ceux qui sont sensibles à la poésie, à la musique et à l’engagement social.
La rumba congolaise gagne en reconnaissance mondiale, notamment grâce à son inscription au patrimoine de l’Unesco. Yekima veut continuer à fusionner cette musique avec le slam. Il explore également de nouvelles sonorités et collaborations. Dans un monde où les frontières artistiques s’effacent, Yekima De Bel Art incarne une nouvelle génération d’artistes africains. Ces artistes sont conscients de leur héritage tout en étant tournés vers l’avenir. Son parcours mêle musique, poésie et engagement social. Il devient une source d’inspiration pour de nombreux artistes et citoyens.