Dans “Ce que je vis”, Maf Slam, jeune poète slameur de la République démocratique du Congo, ébranle la conscience collective avec un cri du cœur à la fois intime et universel. Ce texte, chargé d’émotion brute, plonge le lecteur dans l’insécurité et la violence qui gangrènent les nuits de tant de familles congolaises, tout en dénonçant l’inaction des autorités censées les protéger. Maf Slam ne se contente pas de raconter : il revendique. À travers des mots engagés et un rythme implacable, il incarne la voix d’une génération en quête de justice et de dignité. Ce slam, bien plus qu’un simple récit, est une revendication poétique, un appel à ouvrir les yeux sur une réalité trop souvent passée sous silence. Avec “Ce que je vis”, Maf Slam rappelle que l’art peut être une arme face à l’indifférence et un vecteur d’espoir dans l’obscurité.
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CE QUE JE VIS
Ça aura servi à quoi d’aller leur dire ?
J’ai dû dire “non”, j’ai quand même réclamé mon dû.
Ça n’a fait que me rappeler mon impuissance
Face à leur influence qui s’impose sur mes droits.
Est-elle même sensée valoir quelque chose, ma voix ?
Cette histoire, c’est la rage de tout le monde,
Quand quelques secondes de la nuit valent des vies,
Quand même les vagabonds dorment et qu’eux vagabondent,
Quand on ne veut même plus leur confier nos vies,
Ceux à qui on est censé appeler à l’aide.
C’est mon histoire au beau milieu d’une nuit noire,
D’abord, le son des vitres cassées tour à tour,
J’aurais voulu que ça soit juste un cauchemar,
Mais quand je croise le regard terrifié de ma sœur,
Mon sommeil s’estompe et laisse place à la peur.
Mon père appelle la police puis les voisins d’en face,
Ma mère appelle à l’aide de toutes ses forces,
Le voisin d’en face appelle aussi la police,
Les appels entre nous passent, sauf pour la police !
J’espérais passer une douce nuit, mais hélas.
Ils défoncent la porte après quelques coups de masse,
Nous ne sommes que quatre, difficile de résister,
Ils exigent une somme qu’on ne peut leur donner,
Alors ils prennent à ma sœur sa virginité,
Et à mon père, ils lui portent les coups de grâce.
C’est après tout ça que vient le voisin d’en face,
C’est après son départ qu’arrive la police,
C’est des choses qu’on vit et qu’on raconte loin de la presse,
C’est des histoires qui se passent dans nos quartiers,
C’est l’histoire qu’on ne raconte pas à ceux qui l’ont prémédité.
Ce n’est pas à force de leur dire qu’ils ont cessé
De nous pourchasser pour kanyama kasese.
À la première vague, on a dit “NON”, on l’a chanté !
Il y a quand même eu la deuxième, et on a protesté !
Qui sait quand ils nous en enverront une troisième ?
Je ne déclame pas les problèmes du Congo.
Je réclame juste la vraie valeur de mes mots.
Ce slam est une revendication des propos. Donc,
S’il est vrai qu’un homme averti en vaut deux,
Celui qui avertit vaut le double de deux.
PAR MAF SLAM