Slam-poésie : accès et inclusion des communautés marginalisées

Le slam-poésie, en tant que forme de poésie urbaine qui allie performance orale et écriture créative, a émergé comme un grand outil pour l’affirmation de soi et la critique sociale. Dans un monde où les voix des communautés marginalisées sont souvent étouffées, le slam se révèle être non seulement un espace de liberté artistique mais aussi un vecteur d’inclusion et d’intégration sociale. L’accessibilité du slam à ces groupes et son rôle dans leur intégration sont cruciaux pour comprendre comment cet art peut influencer le tissu social et promouvoir la diversité.

Apparu dans les années 1980 aux États-Unis, le slam-poésie s’est rapidement répandu dans le monde entier comme un moyen d’expression simple, efficace et accessible. Contrairement à la poésie classique, le slam se caractérise par sa performance orale et son approche démocratique. Les slameurs, présentent leurs textes devant un public qui les évalue souvent de manière participative. Ce format a permis de démocratiser la poésie, rendant l’art plus accessible à un public diversifié.

En France, le slam arrive vers 1990 et prend de l’ampleur dans les années 2000. Il s’est ancré dans des espaces culturels variés, de Paris à Marseille, souvent dans des quartiers populaires.

Même si le sujet de l’apparition du slam en Afrique divise beaucoup de slameurs, les premiers témoignages de son émergence remontent vers la fin des années 1990 et le début de l’an 2000. Très vite, l’accessibilité à cet art est devenue un point central pour les discussions sur l’intégration culturelle et sociale. De ce fait, il faut reconnaitre que le slam en Afrique présente des dynamiques singulières et intéressantes, qui enrichissent le débat sur l’inclusion et l’accessibilité de cette forme d’art.

Accessibilité et inclusion

Le slam en Afrique joue un rôle crucial dans la démocratisation culturelle. Contrairement à d’autres formes d’art plus traditionnelles, souvent associées à des élites ou des institutions culturelles établies, le slam est généralement accessible à ceux qui souhaitent participer. Tout est finalement basé sur la volonté d’une personne à se lancer dans cet art. Les événements de slam sont souvent gratuits ou à faible coût, ce qui permet une large participation.

Le slam-poésie donne également une voix à des groupes souvent marginalisés, y compris les jeunes des zones urbaines précaires, les femmes, et les populations rurales. Il devient un outil pour aborder des sujets tabous, tels que les inégalités de genre, les conflits ethniques, et les difficultés économiques. Des slameurs comme Grand Corps Malade en France (handicap physique) et Bintou Sanneh originaire de Gambie (slameuse malvoyante) par exemple, ont montré comment le slam peut également servir de tremplin pour des artistes qui se consacrent à la justice sociale malgré leurs handicaps.

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Le slam et les voix des personnes marginalisées

Pour comprendre l’impact du slam sur les communautés marginalisées, il est essentiel d’explorer différentes perspectives. Par exemple, le slam permet de donner une voix à ceux qui ne sont pas entendus. C’est un espace où les histoires de vies difficiles ou pas peuvent être partagées, entendues et validées.

C’est un exercice qui n’est pas sans défis car malgré son accessibilité apparente, le slam peut parfois se heurter à des barrières sociales et économiques. Les communautés marginalisées n’ont pas toujours les mêmes opportunités pour participer aux scènes de slam, souvent en raison de contraintes financières ou de manque de soutien structurel ou simplement en raison d’une barrière de langue. Les ateliers étant souvent animés dans des langues héritées de la colonisation. L’on comprend que cette observation met en lumière les inégalités qui persistent malgré la nature démocratique du slam.

Toutefois, pour beaucoup de personnes le slam a été ou est une bouée de sauvetage. Il a permis à bien de jeunes de raconter leurs histoires. Mais surtout de créer des espaces de dialogue avec des gens qui, sinon, ne les auraient jamais entendu.

Analyse des enjeux liés à l’accessibilité du slam

Ceci révèle une série de dynamiques complexes. Premièrement, la nature inclusive du slam est souvent en contraste avec les réalités économiques et sociales des communautés marginalisées. Plusieurs réalités socioéconomiques peuvent limiter la capacité des individus issus de ces communautés à participer pleinement.

Deuxièmement, la visibilité offerte par le slam est un double tranchant. Tandis qu’elle permet à des voix marginalisées de se faire entendre, elle peut aussi créer des dynamiques de représentation problématiques. Il est crucial que les organisateurs de soirées de slam et les institutions culturelles veillent à éviter l’exploitation ou la stigmatisation des récits de vie des participants. Un engagement sincère pour la diversité et l’inclusion est nécessaire pour que le slam reste un espace véritablement égalitaire.

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Dans certains pays africains, la liberté d’expression est limitée par des régimes répressifs. Les slameurs font face à des censures s’ils abordent des sujets sensibles. Ces sujets incluent la corruption, les droits humains et les conflits politiques. Dans ces contextes, le slam devient une forme de résistance et de critique sociale. Cependant, il constitue aussi un terrain risqué pour ses praticiens.

Il faut reconnaitre à sa juste valeur que les implications du slam pour l’intégration des communautés marginalisées sont profondes. En permettant aux individus de partager leurs expériences, le slam-poésie favorise la compréhension mutuelle et la cohésion sociale. Les événements de slam peuvent agir comme des lieux de rencontre interculturelle, où les barrières sociales sont temporairement levées et où des dialogues constructifs peuvent se développer.

Concrètement l’accessibilité du slam et son rôle dans l’intégration des communautés marginalisées se manifeste comme suit

Des compétitions et des ateliers dans des quartiers populaires et des zones rurales permettent aux jeunes de découvrir cette forme d’art et de développer leurs talents. Cela se fait indépendamment de leur origine socio-économique.

À Chicago, un festival annuel met en avant des slameurs de communautés afro-américaines, latinos et immigrés. Ce festival offre une scène où des récits variés peuvent s’exprimer et interagir.

En France, le Grand Poetry Slam promeut la diversité en intégrant des ateliers de slam dans les écoles. Ces initiatives aident les jeunes de milieux défavorisés à découvrir le slam et à s’engager dans cet art. D’ailleurs, Noferima, championne du monde de slam 2024 est elle-même issue de la basse classe ivoirienne.

En Côte d’Ivoire, le slameur Nin’wlou s’est illustré en utilisant le slam comme un moyen d’exprimer les aspirations et les frustrations des jeunes dans le contexte politique chaotique de son pays en 2011.

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En Afrique, le slam va au-delà d’une simple forme d’art. Il représente un espace de liberté d’expression et d’intégration sociale. Il permet aussi une critique sociale importante. Bien que des obstacles au développement existent, comme des défis économiques et politiques, des initiatives locales montrent son potentiel. Le slam peut jouer un rôle vital pour inclure les communautés marginalisées. En soutenant les artistes et en renforçant les infrastructures culturelles, on peut maximiser son impact. Cela aide à promouvoir une culture plus ouverte et équitable.

L’avenir du slam en Afrique dépendra des efforts des communautés et des institutions. Ils devront surmonter ces défis et reconnaître le potentiel unique du slam comme vecteur de changement social.

Par SELNGUE NABAROUM Rameaux