Slam Master No : le slam comme outil de changement social en Afrique

Slam Master No est un slameur gabonais, triple champion de slam. Il est également un artiste complet, acteur, mannequin, parolier, maître de cérémonie… Sa passion pour le slam a commencé lorsqu’un grand du quartier lui a fait découvrir cette compétition d’art oratoire de poésie. Depuis, il utilise le slam comme outil de changement social en Afrique et prône la reconstruction identitaire tout en tenant compte des cultures actuelles. Dans cette interview, nous allons explorer l’univers de Slam Master No et découvrir comment il a réussi à se faire un nom dans le monde du slam.

Afro Slam : Bonjour No ! Bienvenue sur Afro Slam ! D’entrée de jeu, si tu devais te présenter en 6 vers, quel serait le résultat ?

No : Je m’appelle No, Amoureux des expressions de la différence donc de la poésie, ingénieur culturel, et triple champion du Gabon en matière de slam.

Afro Slam : Lorsque je t’ai contacté pour cette interview, tu m’as laissé entendre que le slam est un art qui t’a sauvé la vie. Comment a-t-il pu te sauver ? Et de quoi ?

No : En fait, dans mon passé d’adolescent j’ai eu une grosse phase de délinquance, drogue et victimisation. J’avais arrété l’école, et la seule chose qui me retenait en lien avec la société c’était l’amour de ma petite soeur et l’art. J’écrivais des poèmes et un jour un grand du quartier m’a dit en m’entendant dire mes poèmes que c’était du slam, et ce fut le début de l’aventure qui nous amenera à celui que je suis aujourd’hui.

Crédit Photo : UNICEF Gabon

Afro Slam : Pour un artiste aussi complet que toi, je suis curieux de savoir comment tu définis le slam…

No : Le slam n’est rien d’autre que cette compétition d’art oratoire de poésie, cependant lorsque ses poètes ne sont pas en compétition, ils sont écrivains, acteurs, paroliers sur musique, ils font du spoken word, ils sont maitres de cérémonie, ils font tellement de choses que je dirais comme quelqu’un : “ils sont des artistes complets” ☺️

Afro Slam : Pendant 3 années consécutives, tu étais champion de la coupe du Gabon de slam. Comment était le poids de la couronne ?

No : Hahaha, je n’ai jamais voulu être le King mais le meilleur soldat du royaume. Ce n’était pas la couronne mais le poid de la responsabilité de guider le mouvement, de représenter les poètes urbains mais aussi mes frères du quartier qui sont trop énervés pour parler.

Afro Slam : Tu es quelqu’un de très porté vers l’art, la créativité et la culture africaine. Comment utilises-tu le slam poésie pour exprimer ton identité culturelle ?

No : Dans mes textes, je prône et j’oeuvre à une reconstruction identitaire, mais en tenant compte des cultures actuelles, je ne suis pas dans le mythe de la tradition, du retour aux sources absolu, mais je crois que chaque peuple doit s’appuyer sur une base qui lui est propre et la développer selon le principe de l’évolution de la vie.

Afro Slam : Quelle est la personne qui t’a le plus influencé dans la vie ? Ou qui continue de t’influencer d’ailleurs.

No : Jésus ! Jésus Christ !

Afro Slam : Et il y a le Festival Black History Art… Le slam seul, ne te suffisait plus ?

No : Non, en fait, avant comme après j’ai toujours fait autre chose que le slam, j’ai commencé par le break dance, puis le rap, après le slam, actuellement j’écris, je me propose mannequin photo, parolier, D.A, etc d’où j’ai fait un événement qui soit le miroir de ma vision de l’art et des Arts, un festival pluridisciplinaire avec une durée d’un mois, axé sur la réappropriation de l’histoire de nos cultures noires.

Afro Slam : Quels sont les défis auxquels tu es confronté en tant que slameur et promoteur culturel gabonais/africain ?

No : La marginalisation, certains promoteurs et potentiels sponsors disent que je suis trop politiquemement correct, j’entends que je ne cadrerais donc pas avec la vision de leur politique culturelle.

Le manque de financement,  il y aurait beaucoup à dire, mais je suis passé du côté de la solution donc je ne me plains plus de rien, au contraire je transforme la contrainte en opportunité.

Afro Slam : En avril dernier, tu as sorti “Bantuphonie“, un album de 12 titres qui encourage “le retour vers l’humanité”, une réappropriation de la culture du peuple bantu. Ce peuple s’égarait-il selon toi ?

Plus exactement en mai, le 3 mai, il faut d’abord comprendre que dans ma langue et dans les langues du regroupement des peuples dits Bantu, Bantu veut dire les humains, donc de par cet axe je répondrai à ta question en disant oui les humains s’égarent, le monde devient de plus en plus bestial, les hommes robotisés en plus d’être désorganisés moralement, les moeurs se meurent, les valeurs n’ont plus la première place sur le marché, l’amour est une option que l’on ne trouve que chez des gens naïfs, les guerres, les viols, les violences, et les artistes qui encouragent en étant ambassadeurs de ces formes sociales du grand banditisme… Mon message à moi c’est : redevenons humains,  faisons-le au moins pour nos enfants.

Afro Slam : Quel est ton plus grand rêve en tant que slameur ?

No : Avant, je voulais être reconnu comme le meilleur slameur au monde, mais maintenant que je sais que la cause est plus grande que le slam ou que ma petite personne, mon rêve est de voir le maximum de personnes sauvées, je n’ai plus la naïveté de penser pouvoir changer le monde, mais je veux faire ma part comme l’histoire du petit colibri.

Afro Slam : Pour le slameur et le promoteur culturel que tu es, comment se profile l’avenir ?

No : De gloire en gloire comme il est écrit dans le plus grand livre qui m’a été donné de lire, la Bible est une boussole qui m’oriente vers mes missions glorieuses.

Afro Slam : Si tu avais le pouvoir de changer 05 choses en Afrique, quelles seraient-elles ?

No : Déjà je changerais beaucoup de chefs d’Etat 😅, je redéfinirais les politiques culturelles car la vie est culturelle d’où l’importance de placer la culture au centre du développement d’un peuple pour qu’il ne devienne pas la copie d’un autre, en 3 je changerais le franc cfa, je crois aussi que la monnaie est la colonne vertébrale de chaque nation, nous sommes à une époque capitaliste et c’est clairement l’ère des conquêtes économiques, changer les paradigmes permettra de changer les mentalités, donc changer le système éducatif, et pour finir j’aimerais impossiblement changer le cours de l’histoire ☺️, hey yooo!