Placide Konan et son projet “Inachevé” : L’art de la poésie brute et non polie

Le 28 juillet 2024, le slameur ivoirien Placide Konan a surpris son public en dévoilant un projet unique en son genre intitulé “Inachevé”. Ce projet, atypique tant par sa forme que son contenu, marque un tournant dans l’univers artistique de l’auteur, qui a choisi de partager des morceaux de son album inachevé, non pas comme une œuvre complète, mais dans leur état brut, avec leurs imperfections et défauts. Une démarche audacieuse qui interpelle autant qu’elle fascine.

Une œuvre inachevée, mais pleine de sens

Dans ses propres mots, Placide Konan explique :

“Inachevé est un projet qui consiste à vous faire découvrir des sons en général inachevés, brutes, dans leurs défauts, dans leurs imperfections d’un album que je prépare depuis 2020 et que j’ai décidé d’abandonner pour un autre projet d’album. Ce nouveau me parle plus et me tient particulièrement à cœur.”

Ainsi, chaque dimanche depuis la fin juillet, l’artiste dévoile un nouveau slam issu de cet album inachevé, sur toutes les plateformes d’écoute. Le premier titre, “Dîme”, a ouvert le bal. Suivi par d’autres morceaux comme “Zombie“, “Rama Kam” (en featuring avec Mawata), “Bibliothèque Nationale” ou encore “Pleure avec mes yeux”. Chaque pièce révèle un Placide Konan mordant, franc, et fidèle à son style. Mélangeant habilement le Nouchi (argot ivoirien) et des réflexions profondes sur la société.

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Un projet personnel et engagé

“Inachevé” est bien plus qu’un simple regroupement de textes laissés de côté. Chaque morceau semble lié à des moments précis de la vie de Placide Konan. Mais aussi à des réflexions personnelles sur la société. Le titre “CapitalE”, par exemple, trouve son inspiration dans le livre “La Médiocratie” du philosophe québécois Alain Denault, lu par l’artiste en 2020. Ce slam explore les méfaits d’un système où la médiocrité devient la norme, une critique acerbe de certaines dérives contemporaines. Konan nous pousse à réfléchir à nos propres choix et aux structures qui nous entourent.

L’histoire de “Pleure avec mes yeux” est, quant à elle, particulièrement bouleversante. Ce texte est un hommage à Bouba, un enfant de quatre ans retrouvé assassiné en 2018 dans le quartier d’Angré, à Abidjan. Le meurtrier, un bijoutier surnommé “tonton gentil”, a avoué avoir tué Bouba dans le cadre de rituels pour devenir riche. Ce fait divers tragique a ébranlé Placide Konan. Il dédie alors ce slam à “tous les Bouba du monde”. Invitant à une réflexion sur la violence et les horreurs que subissent les innocents.

Un parcours en constante évolution

Né le 4 mars 1992 à Dimbokro, Placide Konan est aujourd’hui l’un des visages les plus emblématiques de la scène slam en Côte d’Ivoire. En plus de sa carrière d’écrivain et de poète, il est vice-président de la Fédération Ivoirienne de Slam Poésie et membre de l’École des Poètes de Côte d’Ivoire. Auteur du livre J’écris de profil, qui lui a valu plusieurs distinctions en 2019. Notamment le Prix Littéraire Horizon et le Prix Africa Talent du Meilleur Écrivain. Placide Konan voit dans la poésie un outil indispensable à la recherche de la liberté individuelle et collective de l’Afrique.

Son engagement pour l’art ne se limite pas à l’écriture. En 2016, il devient le premier champion national de slam de Côte d’Ivoire. Il a également participé à l’écriture des textes du film poétique Oranges sucrées, réalisé par Alex Ogou. En 2021, il sort “Brouillon”, un EP de huit titres, suivi en 2023 par le recueil de poèmes “Mil neuf cent cinquante”.

Un projet qui défie les conventions

Avec “Inachevé”, Placide Konan démontre que la poésie, même lorsqu’elle n’est pas polie ou finalisée, peut toucher et interpeller. Le projet est une invitation à embrasser l’imperfection et à percevoir la beauté dans ce qui n’a pas encore atteint sa forme définitive. Une démarche risquée, certes, mais qui reflète toute l’audace et la sincérité de cet artiste hors du commun.