La slameuse somalienne Ifrah Hussein : une vie à la croisée des mondes

Ifrah Hussein, poétesse et auteure somalo-canadienne, incarne une voix puissante et singulière dans le paysage littéraire international. Récompensée récemment par le prestigieux prix de l’Artiste de l’Année aux Somali Excellence Awards, Ifrah s’impose comme une figure incontournable de la poésie contemporaine. Son ouvrage, “An Anthology of Grief or the Ways a Somali Woman Loves”, explore les thèmes de l’identité, de l’amour et de la résilience avec une profondeur qui résonne bien au-delà de la communauté somalienne. À seulement 27 ans, la native de Toronto cumule les exploits : première femme championne canadienne de slam de poésie en 2017, finaliste des Women of the World Poetry Slam, et représentante du Canada à la Coupe du Monde de Poésie en France.

Mais derrière ces titres prestigieux se cache une artiste déterminée à utiliser son art pour raconter des histoires souvent invisibilisées. À travers ses mots, Ifrah célèbre la richesse de l’héritage somalien tout en dénonçant les oppressions systémiques. Son parcours témoigne de la puissance de la poésie pour transcender les frontières culturelles et nationales.

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Une trajectoire hors normes

Ifrah Hussein a découvert la poésie dès l’âge de 12 ans, mais c’est à 14 ans qu’elle a foulé pour la première fois une scène de slam. Depuis, son ascension n’a jamais cessé. En 2017, elle a marqué l’histoire en devenant la première femme à remporter le championnat canadien de slam de poésie individuelle. Un exploit salué par de nombreux acteurs de la scène artistique. Lors des finales, Ifrah a ouvert son poème en somali. Un acte audacieux et symbolique : « Mon art ne sera jamais colonisé », a-t-elle déclaré avec force.

Cette affirmation reflète une conviction profonde : sa poésie est un espace de résistance et d’affirmation identitaire. Elle s’y exprime sans compromis. Explorant les complexités d’être une femme noire, musulmane et somalienne dans un monde souvent hostile à ces identités. « Être somalienne et exister en tant que telle – sachez que cela ne changera jamais », a-t-elle affirmé.

Une reconnaissance internationale

Les performances d’Ifrah transcendent les frontières canadiennes. Lors du Women of the World Poetry Slam en 2017 à Dallas, au Texas, elle s’est classée parmi les cinq meilleures poétesses sur 96 participantes. Devenant la seule Canadienne à atteindre les finales en 11 ans d’histoire de cet événement. L’année suivante, elle a représenté le Canada et la Somalie à la Coupe du Monde de Poésie à Paris, se hissant parmi les quatre meilleures équipes internationales.

Ces succès confirment l’universalité de son art. Avec des mots empreints de sincérité et de vulnérabilité, Ifrah connecte des publics issus de cultures et d’horizons divers. Sa récente tournée nord-américaine, intitulée The Heavy Caravan Tour, a été un triomphe. Attirant des spectateurs en quête d’histoires authentiques et puissantes.

Un art enraciné dans l’identité

Ifrah Hussein ne se contente pas de raconter ses propres expériences. Sa poésie est un miroir tendu à la diaspora somalienne, une communauté souvent marginalisée dans les récits dominants. Dans An Anthology of Grief or the Ways a Somali Woman Loves, elle explore les multiples facettes de l’amour. Pour sa famille, sa culture, et son peuple. L’ouvrage mêle douleur et espoir, témoignant de la complexité des émotions humaines.

Pour Ifrah, ses écrits sont aussi un acte politique. Elle défend les femmes somaliennes, souvent réduites au silence, et célèbre leur résilience. « Chaque pièce que j’ai présentée en finale a été exprimée du point de vue d’une femme somalienne », a-t-elle confié. Soulignant l’importance de raconter des histoires qui reflètent la réalité de sa communauté.

Un modèle pour les générations futures

Au-delà de ses succès artistiques, Ifrah Hussein inspire une nouvelle génération de jeunes artistes, en particulier issus de la diaspora. Son parcours est une preuve vivante que l’art peut être un vecteur de changement social. Grâce à son engagement, elle ouvre la voie à d’autres voix marginalisées, les encourageant à s’exprimer et à revendiquer leur place dans le monde de la culture.

Le soutien qu’elle reçoit de sa communauté est également un moteur essentiel. Après sa victoire en 2017, elle n’a pas manqué de remercier sa mère, la ville de Toronto, et les nombreux amis et mentors qui l’ont encouragée. Cet esprit de gratitude et d’humilité renforce encore son lien avec son public.

Une poésie porteuse d’avenir

Ifrah Hussein ne montre aucun signe de ralentissement. Alors qu’elle continue de se produire sur des scènes internationales et de publier des œuvres acclamées, son influence ne cesse de croître. Sa poésie, profondément enracinée dans son identité et façonnée par ses expériences, demeure une source d’inspiration pour tous ceux qui cherchent à comprendre le monde à travers une perspective nouvelle.

En célébrant sa double appartenance à la Somalie et au Canada, Ifrah nous rappelle que l’identité est une richesse. Et que la poésie a le pouvoir de transcender les frontières. Avec ses mots, elle construit des ponts entre les cultures, offrant une vision d’espoir et de résilience pour les générations à venir.