Une scène mondiale pour la poésie, mais à quel prix ? En novembre 2024, le Togo a accueilli la troisième édition de la Coupe du Monde de Slam-Poésie, une compétition unique en son genre rassemblant dix pays africains et des talents venus du monde entier. Cette célébration de la parole, où la créativité et l’émotion se mêlent pour toucher les cœurs et éveiller les consciences, a toutefois mis en lumière des défis majeurs pour les participants. Entre problèmes de financement et absence de soutien institutionnel, cet événement mondial a révélé les failles structurelles qui freinent l’essor des arts oratoires en Afrique.
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Une compétition marquée par la résilience des participants
Dix nations africaines étaient au rendez-vous, chacune représentée par des slameurs ayant franchi les étapes nationales pour accéder à cette scène internationale. Pourtant, derrière les belles performances et les mots puissants, un autre récit se jouait : celui de la lutte pour simplement atteindre Lomé, la capitale togolaise.
En Guinée, les slameurs ont dû lancer une cagnotte en ligne pour financer le billet d’avion de leur représentant, faute de soutien gouvernemental ou d’organismes culturels. Au Cameroun, les appels répétés aux ministères et aux acteurs culturels pour une aide logistique sont restés sans réponse. Le représentant marocain, quant à lui, a dû couvrir tous ses frais de déplacement de sa propre poche. Ces difficultés logistiques ont mis à l’épreuve la détermination des participants, qui, malgré tout, ont su honorer leur art et représenter fièrement leurs pays.
Un manque criant de soutien institutionnel
Si la Coupe du Monde de Slam-Poésie est une fête des mots, elle est aussi un révélateur des défis auxquels font face les artistes africains. Le manque de financement, en particulier pour la mobilité internationale, est une problématique récurrente. Les arts oratoires, bien qu’en plein essor sur le continent, peinent encore à être reconnus comme une discipline artistique à part entière par de nombreux gouvernements et institutions.
Le slam, souvent perçu comme un art engagé, qui met en lumière les problématiques sociales et politiques, est pourtant un puissant outil de transformation sociale. Cependant, les financements et les infrastructures nécessaires pour soutenir les artistes manquent cruellement. Ce désintérêt institutionnel a des conséquences directes : au-delà des obstacles financiers, l’absence d’un cadre de travail propice pour se préparer à de telles compétitions a également été déplorée par plusieurs participants.
Une opportunité pour repenser le soutien aux arts
Malgré ces défis, la Coupe du Monde de Slam-Poésie reste une formidable vitrine pour la culture africaine. Les performances des participants ont captivé le public, offrant une diversité de récits et de perspectives qui transcendent les frontières. Cet événement a aussi démontré la capacité des artistes à persévérer, même dans des conditions difficiles.
Mais pour que le slam continue de grandir et occupe la place qu’il mérite sur la scène culturelle mondiale, des mesures concrètes doivent être prises. Les gouvernements africains, les organismes culturels et les partenaires internationaux sont appelés à jouer un rôle plus actif. Cela pourrait passer par des subventions dédiées aux arts oratoires, des partenariats avec le secteur privé ou encore la création de programmes de mobilité artistique.
Une célébration culturelle à préserver
La Coupe du Monde de Slam-Poésie 2024 a été à la fois un triomphe artistique et un signal d’alarme. Elle a mis en lumière la vitalité du slam en tant qu’expression culturelle et outil de changement, mais aussi les nombreux défis qui freinent son développement. Si le slam est une voix pour les sans-voix, il appartient désormais aux décideurs et aux acteurs culturels de s’assurer que ces voix continuent de résonner. La prochaine édition de cette compétition pourrait alors devenir non seulement une célébration des mots, mais aussi un symbole d’un soutien accru aux artistes africains.