Dieng One : le slameur qui donne une ‘’âme’’ aux langues africaines

Ousmane Dieng, alias Dieng One, est bien plus qu’un artiste. Il est le porte-étendard d’un slam enraciné dans les traditions orales du continent. À travers ses mots, il ravive les mémoires, valorise les langues nationales et questionne les consciences. Originaire du Mali, ce slameur infatigable parcourt l’Afrique pour faire rayonner un art oratoire engagé, éloquent et profondément identitaire. Portrait d’un homme qui fait du verbe un combat culturel.

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Dieng One, un artiste au cœur de l’oralité, un enfant de l’oralité. Formé dans l’art du conte et passionné de poésie, il a fait du slam son terrain d’expression privilégié. Très tôt, il comprend que cet art, né dans les rues de Chicago, peut devenir un outil d’émancipation en Afrique. Il y injecte les rythmes, les tons et les langues de ses ancêtres. Bambara, peul, soninké… Chaque mot devient une arme douce pour dire, dénoncer, et surtout transmettre.

Sa maîtrise du verbe, en français comme en langues africaines, lui ouvre les scènes les plus prestigieuses du continent. Du Sénégal au Tchad, en passant par le Cameroun et le Burkina Faso, il enchaîne les participations aux festivals. Les Nuits du Slam, FESTHED, FORALY, FISCH MALI, Le Souffle de l’Harmattan : son nom apparaît partout où le slam se fait entendre.

Une voix pour les langues nationales

Mais Dieng One n’est pas seulement un artiste. Il est un militant culturel. Son engagement principal : valoriser les langues africaines, trop souvent reléguées au second plan. En 2020, il fonde FAKAN SLAM, une organisation dédiée à la promotion du slam dans les langues nationales. Le mot “Fakan” signifie d’ailleurs “langue de nos pères” en bambara. Tout un symbole.

À travers la Compétition Nationale de Slam en Langues Nationales du Mali, il donne une scène aux jeunes talents qui slament en dogon, en songhaï ou en tamasheq. Un acte politique autant qu’artistique. Une façon pour lui de dire que nos langues ne sont pas des langues du passé, elles sont notre avenir. Son travail est reconnu au-delà des frontières. Il reçoit notamment le Prix Spécial Ambassadeur de la Langue Bambara au Mali, puis le Prix FORALY pour la promotion du bambara au Cameroun.

Un bâtisseur d’espaces artistiques

Dieng One construit aussi des espaces pour permettre aux autres de s’exprimer. En 2022, il lance le Festival International Bɛɛ Kaa Slam Poésie à Bamako, qui devient rapidement un rendez-vous majeur du slam africain. En décembre 2024, la troisième édition accueille des artistes venus de plus de quatre pays africains. Le succès est au rendez-vous. Il est également à l’origine de La Grande Nuit du Slam et des Arts Connexes au Burkina Faso, et participe activement à la Coupe d’Afrique de Slam/Poésie en Langues Africaines (CASPLA). Pour lui, le slam est un pont entre les peuples, un moyen de faire dialoguer les cultures à travers la parole.

En 2024, Dieng One franchit un nouveau cap. Il oriente une partie de ses projets vers la santé mentale, sujet encore tabou dans de nombreuses sociétés africaines. Il souhaite utiliser le slam comme outil de libération de la parole et de thérapie collective. À travers ses textes et ses ateliers, il aborde les thèmes du traumatisme, du deuil, de la résilience.

Pour cela, il s’appuie sur des émissions radiophoniques comme Slam Plus+ sur Radio Couleur Média ou Slam au Carrefour sur Énergie FM. Ces programmes deviennent des plateformes d’expression pour les jeunes, les femmes, les communautés rurales. Le micro devient un miroir, un exutoire.

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Un créateur prolifique et polyvalent

Polyvalent, Dieng One est aussi vidéaste, animateur et producteur. Il a sorti un album de slam, plusieurs singles, cinq vidéogrammes autoproduits et organisé quatre concerts. Il maîtrise aussi bien la scène que les studios. Son style est reconnaissable entre mille : une voix grave, des textes ciselés, une présence scénique magnétique.

Ses performances sont saluées dans de nombreux pays. Il reçoit des distinctions dans les festivals littéraires, les salons du livre, les événements de poésie. Là où il passe, il laisse une empreinte. Il incarne une nouvelle génération d’artistes africains : ancrés dans leurs cultures, ouverts sur le monde, porteurs de messages.

Pour 2025, Dieng One voit grand. Avec l’association Fakan Slam Mali, il prépare de nouvelles initiatives pour renforcer l’impact du slam dans les communautés. Il veut continuer à faire du slam un vecteur de transformation culturelle et sociale. Son objectif : que chaque jeune Africain puisse s’exprimer librement dans sa langue maternelle. Il ne s’agit plus seulement de poésie, mais d’un véritable projet de société. Un projet où les langues, les arts et la parole sont les piliers d’un développement humain et durable. Dans un continent en mutation, Dieng One incarne cette Afrique qui parle, qui crée et qui croit en elle.

L’homme derrière les mots

Ousmane Dieng, dit Dieng One, est bien plus qu’un slameur. Il est un artisan de la parole, un bâtisseur de ponts culturels, un militant des langues vivantes. À travers son œuvre, il redonne au mot sa force première : celle de rassembler, de guérir, de porter l’identité d’un peuple. Inlassablement, il trace sa route, micro en main, pour que le slam africain continue de résonner fort, ici et ailleurs.