Chevon Guthrie, plus connu sous le nom de Chev, est bien connu dans le monde du slam. Originaire d’Atlanta, en Géorgie, mais également profondément marqué par son passage à New York, Chev est un artiste de spoken word dont le travail puise dans ses amours de toujours : l’amour, la vie, le débat, et tout ce qui touche à la culture noire. Un mélange d’émotions et de réflexions qu’il déclame avec une intensité rare, touchant un public toujours grandissant.
Les débuts d’une vocation
La première rencontre de Chev avec la scène remonte à 2018, lorsqu’il rejoint la toute première équipe de slam de la College Union Poetry de St. John’s, une expérience fondatrice. Ce moment marque un tournant décisif pour celui qui, jusque-là, ne prenait ni le rap, ni l’écriture au sérieux. “Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours su rapper et écrire très bien, mais je n’ai jamais pris cela au sérieux,” confie-t-il.
Son entrée dans le monde du slam se fait presque par hasard, poussé par le président du club de poésie de son université qui l’inscrit à un slam. “Je n’avais aucune idée de ce qu’était un slam. Comment ça fonctionne ? Qu’est-ce qu’on lui donne à manger ?” raconte-t-il avec humour. Ce qui aurait pu être un moment de ridicule s’est transformé en une révélation. “Je vais me ridiculiser devant toute l’école“, pensait-il. Mais contre toute attente, il remporte le slam et est envoyé à un événement majeur : le CUPSI (College Union Poetry Slam Invitational).
Une ascension fulgurante
Depuis cette première victoire, Chev n’a plus jamais quitté le monde de la poésie. Il est aujourd’hui un multi-champion de Grand Slam, Champion National de Slam Underground, et un artiste enseignant respecté. En parallèle, il s’impose comme un animateur d’événements de renom, enchaînant les scènes les plus prestigieuses.
Mais c’est en 2024 que Chev atteint un sommet de reconnaissance internationale. Le 16 novembre, à Lomé, au Togo, il devient champion du monde de slam poésie lors du World Poetry Slam. Un triomphe historique qui fait de lui le représentant des États-Unis sur la scène mondiale, mais également au sein de la Copa América Abya Yala, une autre compétition phare.
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La force de la résilience
Le chemin vers ce succès n’a cependant pas été linéaire. Après sa troisième année d’université, Chev se retrouve confronté à de graves difficultés financières, au point de devoir abandonner ses études. Rapidement, il devient sans-abri.
“Je faisais des poèmes dans le même train où je dormais la plupart des jours pour pouvoir manger”.
Chev cache sa situation à ses amis pendant deux ans, trouvant refuge dans le slam pour survivre. Il performe dans des slams à travers Manhattan, Brooklyn, le New Jersey, le Bronx, et même le Connecticut.
“Certains jours, j’étais tellement épuisé que je m’endormais en marchant dans la rue et je me réveillais parce que mon bras frottait contre la grille de quelqu’un,” confie-t-il.
Ces moments difficiles forgent non seulement son style, mais aussi sa détermination. Grâce à son art, il parvient à se stabiliser et à se faire un nom à l’échelle nationale. Aujourd’hui, il est animateur régulier du lieu de poésie le plus célèbre de l’État de Géorgie. Mais, malgré son succès, il n’oublie pas d’où il vient.
Un plaidoyer pour les artistes
Chev est également un ardent défenseur de la reconnaissance des artistes. Son message est clair : “Payez-les. Payez-les tôt. Payez-les souvent. Payez-les plus.” Il dénonce le mythe de “l’artiste affamé“, un stéréotype qui, selon lui, n’a plus lieu d’être. “Nous consommons chaque jour trop d’art pour qu’il soit sous-évalué. Quand un artiste est indispensable à un espace, il doit être traité comme tel sans hésitation.” Pour Chev, l’amour de l’art ne suffit pas. Si la passion porte les artistes, elle ne doit pas justifier une dévalorisation de leur travail. “Je fais tous mes poèmes gratuitement, l’argent ne fait que m’indiquer où les faire,” dit-il avec philosophie.
La poésie comme lien humain
Chev conclut en rappelant que, pour lui, la poésie est avant tout un moyen de connecter les gens.
“Je disais aux gens que la poésie m’avait sauvé la vie, mais c’était les gens. La poésie était juste le seul moyen que je connaissais pour qu’on s’écoute.”
À travers son parcours, Chev incarne la résilience, l’art et l’engagement. Son histoire est celle d’un artiste qui, malgré les obstacles, a su faire entendre sa voix et celle de toute une génération de poètes.