En 2010, une jeune Malgache découvre le slam lors d’un spectacle à l’Institut Français de Madagascar. Ce fut une révélation pour Razanandranto Landy Cathia, plus connue sous le nom de Caylah. Depuis, elle n’a cessé de gravir les échelons pour devenir une figure incontournable du slam à Madagascar et au-delà. “J’ai découvert le slam lors d’un spectacle à l’Institut Français de Madagascar qui s’intitulait téléréalité et qui mettait en scène des slameurs. Cela m’a plu et je me suis mise dans le bain,” raconte-t-elle.
Caylah se fait rapidement un nom dans le milieu. En 2014, elle est sacrée championne des champions au tournoi «NFL Slam Ballon» et, la même année, elle remporte le championnat national de slam par équipe aux côtés de Benson et Poun. Pour elle, l’art n’est pas une compétition mais un partage. “Ce que je trouve beau dans mon métier, c’est que grâce à lui j’ai eu une deuxième famille: des sœurs, des frères de cœur, d’armes et de guerre,” confie-t-elle.
C’est en janvier 2016 que Caylah attire l’attention internationale avec une vidéo poignante intitulée “Madagascar”. En deux minutes, elle dénonce l’injustice et l’effritement des valeurs de solidarité dans son pays. Sous son sweat à capuche, elle slame le désespoir d’un peuple : “Madagascar, terre sainte, terre riche d’histoire s’est fait souiller par les colons […] Madagascar, aujourd’hui tu es souillée par le Malgache en costard. Liberté-égalité? La corruption règne, les riches s’enrichissent, les Malgaches s’entre-tuent.” Ce slam au vitriol semble répondre à celui du rappeur Kery James, son modèle.
Une notoriété grandissante
En novembre 2016, Caylah brille lors de la cérémonie d’ouverture du XVIe Sommet de la Francophonie à Antananarivo, où elle performe aux côtés de deux autres slameurs étrangers, Yao et Joy. Depuis, elle multiplie les projets et ses textes sont même étudiés à l’université. “Depuis quelques années, je reçois des messages d’un peu partout dans le monde. Humblement, je n’arrive pas toujours à croire l’influence que j’ai sur certaines personnes et la portée de mes messages ainsi que ma poésie,” déclare-t-elle.
A lire : Le slam-poésie, un outil pédagogique en plein essor dans les écoles africaines
Être artiste à Madagascar, et plus encore une femme artiste, n’est pas chose aisée. Caylah ne cache pas les défis qu’elle rencontre quotidiennement. “On est souvent sujet à des pressions sociales, des préjugés, des dangers… Pour ne citer que cela, chaque jour est un combat,” avoue-t-elle. Malgré les difficultés, les messages de soutien qu’elle reçoit lui redonnent espoir et motivation. Caylah utilise son art pour sensibiliser contre la malnutrition, valoriser les langues locales et dénoncer les injustices sociales. Elle appelle à l’affirmation de soi, slame contre le cyberharcèlement et met en lumière les difficultés que rencontre son île. Son concept de “slamothérapie” vise à guérir les maux par les mots. “Le but, c’est de soigner l’âme de ces filles aux grossesses précoces. Avec les mots, elles reprennent confiance en elles, s’expriment et sortent de la honte,” explique-t-elle.
Une artiste internationale et une héroïne du quotidien
La portée de Caylah dépasse largement les frontières de Madagascar. Elle est souvent invitée à des festivals et des conférences à l’étranger, où elle partage son expérience et sa vision. Ses performances sont saluées pour leur profondeur et leur authenticité. Véritable slamtrotteuse, elle continue de se produire sur des scènes à travers le monde de la Suisse au Bénin, du Sénégal à la France, en passant par les États-Unis. Active au sein de plusieurs associations, dont « Aina Enfance et Avenir », elle s’investit dans des actions de soutien aux jeunes mères, aux jeunes incarcérés, aux victimes de violence et aux enfants des rues. Son impact ne se limite pas à la scène. Ses initiatives sociales et éducatives ont des répercussions profondes et durables. Elle utilise le slam pour offrir une voix à ceux qui sont souvent réduits au silence, notamment les jeunes mères et les enfants des rues. Dans ses ateliers, elle enseigne non seulement l’art du slam mais aussi la résilience et la confiance en soi.
Caylah est une jeune femme féministe et courageuse qui puise sa force dans ses expériences personnelles et familiales. “J’écris pour ma mère qui a travaillé dur pour m’offrir une vie digne. Ma mère, c’est ma fierté, même si parfois je lui fais honte,” avoue-t-elle. Cette relation intime et respectueuse avec sa mère transparaît dans ses œuvres, où elle exprime la gratitude et la lutte quotidienne des femmes malgaches.
La Slamothérapie : guérir les maux par les mots
L’un des concepts les plus puissants de la slameuse de la grande île est la “slamothérapie“. Elle croit fermement que les mots ont le pouvoir de guérir. À travers ses ateliers, elle aide les participants à exprimer leurs émotions, à surmonter leurs traumatismes et à retrouver confiance en eux. “Avec les mots, elles reprennent confiance en elles, s’expriment et sortent de la honte,” explique-t-elle en parlant des filles-mères qu’elle aide.
Caylah est une voix pour ceux qui n’en ont pas, une combattante pour la justice sociale et une source d’inspiration pour beaucoup. Son parcours est un témoignage de résilience, de courage et de passion. Avec ses mots puissants et son engagement indéfectible, elle continue de faire résonner les espoirs et les luttes de Madagascar à travers le monde. Regardant vers l’avenir, Caylah continue de développer de nouveaux projets et de nouvelles collaborations. Elle espère utiliser son art pour toucher encore plus de vies et pour promouvoir des changements positifs dans la société. Son engagement pour les causes sociales et son amour pour la poésie ne cessent de croître.