A la découverte de la jeune et florissante carrière du slameur gabonais Anonym !

‘’Mon public en moi, même quand je ne serais plus’’… L’histoire n’est pas aussi vieille que cela et pourtant, le jeune slameur Anonym ne jure plus que par la magie de la scène, le sentiment d’être le miroir de la société, d’être comblé, de pouvoir se réinventer, de performer et de transporter le public dans un univers qu’on a soi-même construit. Dans cet entretien sans langue de bois, l’artiste nous parle de ses débuts, de ses rencontres, de ses projets à venir et par-dessus tout de son amour toujours grandissant pour le slam.

Afro Slam : Anonym, d’entrée de jeu, nous avons l’intention de te rendre moins anonyme… Peux-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs en 6 vers maximum ?

J’serais toujours moi, même quand je ne serais plus

Au milieu de vous je serais,

Surtout quand vous ne le saurez pas

Mon public en moi, même quand je ne serais plus

Parce qu’Anonym, sera toujours Anonym,

Même quand anonyme, je ne le serais plus

Afro Slam : A partir de quel moment se fait la révélation pour le Slam ?

L’idée reçue de ce qu’est la poésie m’a clairement rendu négligeant envers cet art, et le reléguant instinctivement à un moindre plan dans le milieu hip hop par rapport au RAP. En 2014, fort fut mon étonnement en découvrant en live la poésie urbaine par l’intermédiaire de mes frères et membre du collectif Slam Action « LeDjer » et « Khery Seshetaw ». La puissance des mots, la technicité dans certains enchainements, les tournures et punchlines ou encore la splendeur de la performance scénique et sa capacité à transporter l’auditoire m’ont tout de suite scotché et c’est seulement un an après, motivé par ces derniers que je déclame enfin mon premier texte de slam qui restera un classique du Slam Gabonais : Génération 8.0

Afro Slam : En 2018, tu représentais le Gabon à la première édition de la Coupe d’Afrique de Slam-Poésie où tu as occupé la 3ème place. Quels souvenirs gardes-tu de cette aventure ?

La lourde responsabilité de porter les couleurs nationales à l’étranger, crée une pression qui nous empêche de savourer le moment !

En effet arrivé en retard à cette première édition de la CASP (Le jour même des éliminatoires), retard dû aux modalités de transport et à des imprévus de vol. Ce dont je me souviens clairement c’est de m’être tout de suite mis à l’écart de tous pour prendre rapidement mes marques et me préparer à compétir. La pression était lourde quand soudain s’est approché de moi le candidat du Sénégal. Tout sourire, c’était Al Faruq. Il me connaissait pour m’avoir vu sur Internet. Après avoir échangé les salutations, il m’a souhaité plus que bonne chance, il m’a dit : on se retrouve en finale Anonym…

Nous nous sommes finalement affrontés en demi-finale en se promettant que le gagnant de notre joute oratoire devrait honorer l’autre en remportant la finale. Il a gagné contre moi et a fini Champion d’Afrique de Slam.

Nous nous respections mutuellement et grâce à lui j’ai pu au-delà de la compétition m’intégrer et me faire des connaissances, moi qui suis plutôt timide et réservé.

Il n’est plus là aujourd’hui, mais au-delà de ses œuvres, au-delà de l’artiste, j’ai connu la personne magnifique qu’il fut. Repose en Paix Al-Fa…

Crédit Photo : Darimage

Afro Slam : C’est quoi pour toi une bonne scène de Slam ?

Pour moi il n’y a pas mieux qu’une scène interactive.

Le slam est un art vivant (Live). Il incombe donc à l’artiste de créer un climat de partage entre lui (son texte, fond et forme) et le public. Il faut absolument faire participer le public au spectacle. C’est le rendez-vous du donner et du recevoir.

Au Gabon, heureusement ou malheureusement (rire), nous avons un public agité, très agressif qui n’hésite pas à lui-même s’immiscer dans votre scène en parlant, en envoyant des blagues, ce qui peut rapidement déconcentrer. C’est donc un perpétuel défi de Slamer au Gabon parce qu’il faut savoir gérer… Au sortir d’une telle scène on se sent plus que rempli du fait d’avoir aussi reçu énormément du public et ça reste inoubliable.

Afro Slam : Tu es un habitué de la scène et d’ailleurs tu as été trois fois champion de la coupe du Gabon de Slam. Quelles sont les quatre raisons pour lesquelles l’on doit assister à une scène d’Anonym ?

Pour commencer (rire), non !!! Je n’ai pas été trois (3) fois champion du Gabon mais Champion du Gabon 2018, et double Champion du TOAST (Tournoi Avec le Slam de terrain), qui est une compétition organisée par Whatslam International et le groupe Slam Liberty. Merci quand même… (Rire)

  • Le fond : le contenu de mes textes révèle le caractère intrinsèque de l’Homme, du moins je me bats pour… Je m’efforce à mettre en relief les qualités et défauts de la condition humaine et cela dans un style satirique et digeste. J’écris le plus simplement possible sur des thèmes accessibles à tous. J’essaie d’être un miroir de la société d’où mon nom de scène et ce qu’il incarne : Monsieur N’importe Qui.

Aussi, il ne s’agit pas pour moi, d’être un juge, ou de stigmatiser tel ou tel fait, il y a bien plus une volonté de montrer le beau qui réside dans les choses les plus ordinaires d’où ce côté humoristique que l’on retrouve dans mes textes.

  • La Forme : De la poésie Urbaine… Cela varie entre belle écriture (poésie classique), poésie de rue (punchline), stand up (humour) et cela recouvert par une performance scénique bien hip hop comme on le veut (rire)
  • La mise en scène : Il ne s’agit pas pour moi de venir faire un concert de slam. Prester mes deux ou 3 textes et descendre de scène. Non il s’agit de faire voyager mon public dans un univers spécial totalement conçu par moi. Donc les musiques, les postures, les répliques et mêmes le choix et l’agencement des textes est murement réfléchi pour procurer une immersion totale au public.
  • L’interaction avec le public : Il s’agit de partager avec le public non pas impérativement un message (je ne suis pas un enseignant et ma scène est encore moins un documentaire) mais plutôt une émotion forte qui restera gravée dans l’esprit de l’auditoire. Cette émotion le poussera à interagir avec moi en se félicitant d’être impliqué dans ce qui se passe et d’être assez fort pour contribuer à la hauteur de l’artiste.  Les acclamations ne viennent que plus naturellement et ce moment de partage reste inoubliable tant pour l’artiste que pour le public.

Afro Slam : Quelle est ta plus belle expérience de scène jusqu’aujourd’hui ?

Ma plus belle expérience de scène fut celle de la Grande Nuit du Slam Benin 2018 à Cotonou. Ce fut une magnifique scène en ce sens que j’ai réalisé correctement tout ce que j’avais prévu ce soir-là. C’était une scène simple, sans musiciens pour m’accompagner pour mon passage (je n’en voulais pas).

Quinze (15) minutes de Slam en a capella comme à l’ancienne !  Que du bonheur. Technique, punchline, humour, texte, interaction avec un public réceptif, bref tout y était.

Non pas que je n’ai jamais fait ce genre de scène ici même au Gabon mais, j’accorde cette mention spéciale à Cotonou, parce que c’était un public qui me découvrait pour la première fois, qui découvrait une manière différente de la leur de slamer et qui a su s’adapter et participer.

Ce n’était pas ma première fois mais ce fut la plus longue Standing Ovation de toute ma carrière que j’ai reçu ce soir-là. Ils se sont levés et ont applaudi pendant plus d’une minute. C’était LONG, GRANDIOSE, INTIMIDANT, INOUBLIABLE…

Afro Slam : Quelle est la chose la plus improbable à connaître à propos d’Anonym ?

TIMIDE !!! (rire)

Oui ça ne se voit pas du tout, ce qui parait c’est plus une vantardise qui démontre d’une certaine assurance ! Mais ceci n’est qu’une façade. Je ne suis pas sûr de moi et j’ai besoin que les autres me le disent pour y croire. Alors j’ai créé un personnage qui impose de sorte à ce que dans le subconscient de tous, ça sonne logique que je sois capable de tout. Du coup dans leurs yeux, voir qu’ils croient en moi, c’est comme me dire ‘’Anonym tu es capable de le faire’’ et ça me galvanise. Et c’est ainsi dans tout ce que j’entreprends dans ma vie.

Afro Slam : Quelle est ta plus belle rencontre artistique ?

Mis à part les artistes de mon collectif Slam Action, qui ont su m’éblouir et me pousser sur la voix du slam, le choix est difficile entre Al Faruq du Sénégal et Mesco du Togo.

Bon Al Faruq, au-delà d’avoir été un très bon slameur, l’un des meilleurs que j’ai pu rencontrer et aussi une personne extraordinaire, je pense que Mesco est celui envers lequel je m’identifie le plus dans la personnalité et aussi dans la façon de faire en slam ! Son coté interactif avec le public, sa manière de faire le show, son écriture très hip hop, etc. Après notre rencontre à la Coupe d’Afrique de Slam Poésie 2018, nous avons pu partager encore des scènes du côté de Lomé chez lui où il m’avait invité avec son collectif Slam Is Love.

Il nous viendra de nous revoir d’ici peu et j’ai déjà hâte que cela arrive.

Crédit Photo : Darimage

Afro Slam : Te souviens-tu de ta première scène de Slam ?

Comment l’oublier ?!? C’était un grand festival de slam (Slam Standing Ovation 2015).

Le collectif Slam Action était invité à faire une prestation avec tous ses membres. Il y avait LeDjer (Champion du Gabon de Slam et Vice-Champion du Monde 2013), Pierre Akewa (Champion du Gabon 2014), Larry Essouma, Khery Seshetaw et D’sign L’arristocrate, tous des vétérans et la crème de la crème du slam gabonais. Comme par hasard, cette brochette de monstres étaient tous dans mon collectif (rire…)

Quelques minutes avant de monter faire ce que nous avions prévu (c’était moi qui ouvrais la scène du grand collectif tant attendu et invité spécial du festival), ils m’ont demandé de répéter devant eux le texte que j’allais faire et le déclamer en conditions réelles, après tout c’est moi le novice. Je me suis exécuté !!! C’était fort…

Au final LeDjer s’est approché de moi et m’a dit : ‘’c’était très bien, mais si tout à l’heure tu montes sur scène et que tu slames ça, comme tu viens de faire là, on va tous mal te fumer à un niveau ou tu vas nous détester…’’

Il venait de me faire comprendre que je devais me surpasser parce que, sur scène tout à l’heure, ce sera une compétition entre nous, celle de qui sera le meilleur du groupe. Je réalisais donc mon faible niveau et combien il fallait que je progresse vite parce que, eux ils ne s’arrêteraient jamais de se concurrencer entre eux et de progresser.

Au final j’étais le moins bon sur cette scène bien que je me sois surpassé (rire…). Il fallait désormais que je les surpasse et qu’un jour je rigole d’eux, parce qu’on aura dit que j’aurais été le plus fort…

Afro Slam : Si tu devais rencontrer Marc Kelly Smith, fondateur du Slam, que lui dirais-tu ?

Je lui dirais : Merci pour tout. Désormais tu peux te reposer, on fait le taff propre, et vu comment c’est parti, tout comme toi, le Slam nous survivra et traversera les âges.

Afro Slam : Des projets album, EP, concerts… en vue ?

Je prépare une EP qui n’est autre que la création artistique « Les Chroniques de Monsieur N’importe Qui » de 6 titres qui sera mon premier projet solo ! Ce dernier est en cours d’enregistrement et il prévoit une mise en vente sur les plateformes de téléchargement, une exposition photo, une séance de dédicace de la préface et du recueil de textes et un spectacle du nom du projet. S’en suivra l’album « Bienvenue Sur Terre » de 12 titres.

Ces deux grands projets sont déjà tous écrits (rire…) du moins tous les titres.

Slam : Un message à faire passer à l’endroit de nos lectrices et lecteurs ?

L’art est le meilleur moyen d’unir les gens sans distinction de race ou de culture dans un monde qui se veut connecter mais qui s’acharne à établir des frontières géographiques, politiques et sociale. C’est un lieu de détente, un havre de paix, une oasis dans un mode où « les tracas assujettissent aussi bien les malfrats que les gens bien »

Il est donc indispensable pour nous de garder en vie ce moyen de panser les cœurs et d’unir les gens, pour nous autres artistes, continuant de produire des œuvres fortes et transcendantes, et à vous public, lecteurs et lectrices, de nous donner la force en participant à l’essor de ces productions, en les  consommant, en les partageant et en aidant des tiers à les découvrir…
Ceci est le plus beau cadeau qu’on puisse offrir à un artiste, et le carburant nécessaire pour que nous continuons.
Pour une planète où il y aura moins de larmes que de sourires, moins de cris de détresse que de fous rires, battons-nous pour ce moyen qui y contribuera grandement qu’est l’art.

POUR QU’À JAMAIS VIVE LE SLAM !!!

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