Yaya Onka, le Slamticien qui tisse l’humain avec les mots

Sur scène, sa voix profonde et suave suspend le silence.  Ses écrits, quant à eux, touchent l’âme.  Eta Onka Claude YAYA, connu sous le pseudonyme de Yaya Onka le Slamticien, représente une génération d’artistes où l’engagement va de pair avec la création.  Ce poète, auteur et artiste de scène bénino-congolais, construit un parcours unique dans le paysage culturel africain.  En tant que poète urbain, il utilise le slam comme un moyen d’expression identitaire, sociale et humaine.  Une voix singulière qui transcende les frontières pour porter les souvenirs et les aspirations d’un continent en mouvement.

A lire : Doko Esther Charlène Iriko : la voix des silences brisés

Des racines multiples pour une parole enracinée

Yaya Onka, qui a vu le jour le 16 janvier 1992 à Brazzaville en République du Congo, a passé son enfance à Cotonou, au Bénin. C’est en 2009, dans cette cité balnéaire et carrefour culturel de l’Afrique de l’Ouest, qu’il fait la découverte du slam. Influencé par le morceau « Voyage en train » de Grand Corps Malade, il découvre dans cet art une façon d’exprimer sans crier, d’atteindre sans blesser. Titulaire d’un diplôme en philosophie et en linguistique, il opte finalement pour l’art comme domaine d’activité. Il y fusionne la pensée, la poésie et une recherche incessante d’authenticité.

Son slam est un mélange d’expressions et de sentiments. Il s’exprime en français, mais aussi en kituba, lingala, lari et fon, manifestant une identité multiple. Cette variété de langues est également un moyen de rapprocher les différentes nations. En fusionnant le slam avec le chant ou le rap, il construit une esthétique propre, à la croisée des genres. Chaque texte devient une passerelle entre les cultures, une main tendue vers l’autre.

Un passeur de savoirs et de solidarités

C’est en 2015 que Yaya Onka s’installe à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Ici, il ne se limite pas à monter sur la scène. Il forme, enseigne, guide. Slam, prise de parole en public, scène ouverte : il crée de multiples occasions d’expression. Il explore la sous-région, en passant par des pays tels que la Côte d’Ivoire, le Togo, le Mali, le Sénégal et même l’île Maurice. Ces déplacements enrichissent son travail autant que son implication personnelle.

Son parcours le conduit à établir la Fédération burkinabè de slam-poésie. Une démarche qui organise un mouvement en pleine expansion et donne aux jeunes une plateforme pour exprimer leur opinion. Il s’implique aussi dans des tournées et travaille en collaboration avec des artistes de différents milieux. Ce travail en réseau renforce sa volonté de faire du slam un outil de transformation sociale. Pour lui, l’art n’a de sens que s’il est partagé.

Une œuvre entre douleur, mémoire et espoir

Yaya Onka a publié Tripolaire (3POL’AIR), un album de 14 morceaux, ainsi qu’un recueil de slam-poésie en 2019. Ce recueil offre un aperçu profond de ses réflexions et de ses combats personnels. Il y examine le concept de « vivre ensemble », les traumatismes du passé, mais également la résilience et l’ardeur. Le terme tripolaire reflète sa conception du monde : un individu doté de multiples voix, simultanément perturbé et clairvoyant, poète et activiste.

Ses écrits évoquent la souffrance d’autrui tout autant que l’amour humain. Au cours de dix ans, il a sorti une dizaine de titres, y compris Yawôto, One Love, Blue, ou Malembe qui est une collaboration avec l’artiste burkinabé Fush Alpha. Récemment, il a lancé Nyombe en collaboration avec Fred’o le Musiquier, qui est disponible sur YouTube depuis janvier 2025. Chaque création est une tentative de “se ressembler”, comme il le dit lui-même, c’est-à-dire d’être en accord avec soi-même et avec le monde.

Un artiste au service de l’humain

Yaya Onka se définit comme un “muntu”, un mot qui signifie “humain” en munukutuba. C’est cette humanité qu’il cherche à faire résonner dans ses œuvres, ses projets et ses engagements. Artiste, formateur, écrivain, il est aussi un entrepreneur culturel. Il travaille avec des partenaires venus du Sénégal, du Congo et d’ailleurs pour bâtir des ponts entre l’art, l’éducation et l’économie. Son parcours est celui d’un citoyen du monde, enraciné dans ses origines mais ouvert à l’universel.

À travers son slam, il milite pour le vivre ensemble, la protection de la nature, la paix. Il croit en la force des mots pour réparer les blessures, créer du lien, éveiller les consciences. Dans une époque troublée, sa voix porte un message rare : celui de la lenteur, de l’écoute et de la profondeur. Un grain de folie, une plume d’argile, et un cœur qui bat au rythme des peuples.

En définitive, Yaya Onka le Slamticien représente une nouvelle vague d’artistes africains qui sont simultanément enracinés et itinérants, créateurs et vecteurs de transmission. Son travail, débordant de langages, de cadences et de sentiments, est un appel en faveur d’une humanité plus fraternelle. Naviguant entre le slam, la musique et la poésie, il persiste à suivre une voie unique, en restant fidèle à sa conception : celle d’un univers où chaque voix a de l’importance.