Adil Bennis, 3e au championnat marocain de slam-poésie 2025 : entre chiffres et rimes

Dans l’univers du slam marocain, s’affirme Adil Bennis. Troisième au Championnat national de slam-poésie DKLAM 2025, ce poète de Fès conjugue deux mondes a priori opposés : la rigueur du secteur bancaire et la liberté créative de l’écriture. Une dualité assumée, au cœur de sa démarche artistique et personnelle.

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Né en 1998, Adil Bennis a grandi dans une famille où se côtoyaient lettres et sciences. Une double appartenance qui l’a poussé à jongler entre rationalité et émotion. Après des études tournées vers les chiffres, il se lance dans une carrière dans la finance. Mais derrière le costume-cravate, un autre monde s’agite : celui des mots. Débute alors un parcours hors des sentiers battus.

Son rapport à l’écriture commence tôt, nourri par la prose arabe et française. Il affectionne le plaidoyer, les textes engagés, les récits intérieurs. À mesure que le besoin d’exprimer grandit, il découvre l’anglais et s’essaie à la création littéraire dans cette langue. Une nouvelle voie s’ouvre à lui avec la fantasy, notamment grâce au jeu Donjons et Dragons. Là, il explore des univers imaginaires, construit des récits épiques et affine sa voix narrative.

Le déclic poétique

Le vrai tournant s’opère en 2023, lors d’un événement organisé par Amnesty International à Fès. Un Café Slam. Ce soir-là, il monte sur scène, texte en main, cœur battant. Le choc est immédiat. « Depuis ce moment, la boule ne s’est jamais arrêtée de rouler », dira-t-il plus tard.

Ce premier texte marque le début d’une aventure artistique intense. Adil Bennis se jette à corps perdu dans l’univers du spoken word. Il écrit, il déclame, il explore. Il puise dans son vécu, dans ses lectures, dans ses colères et ses espoirs. Son style se forge entre la musicalité du verbe et la précision du mot. Il développe une parole sensible, parfois crue, toujours réfléchie.

Une ascension rapide et méritée

En à peine deux ans, Adil Bennis devient une figure montante du slam marocain. Il participe à des scènes ouvertes, rejoint des collectifs poétiques, affine ses textes. En 2025, il décroche la troisième place au prestigieux Championnat national de slam DKLAM. Une reconnaissance nationale qui consacre son talent et son engagement.

Mais pour lui, ce podium n’est pas une finalité. « C’est un début. Une invitation à creuser plus profond », confie-t-il. Sa plume ne cherche ni les projecteurs ni la gloire. Elle creuse, questionne et sonde l’humain.

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L’art comme nécessité

Pour Adil, l’écriture n’est pas un loisir. C’est une urgence. Une manière d’habiter le monde autrement.

« Je travaille pour vivre, mais j’écris pour exister », dit-il.

Dans ses textes, il évoque la complexité des émotions, l’absurdité des inégalités, la beauté fragile des instants suspendus. Il écrit en arabe, en français, en anglais. Trois langues, trois rythmes, un même souffle. Sa pratique s’inscrit dans une tradition poétique vivante et engagée. Il ne se revendique d’aucune école, d’aucun dogme. Il est à la croisée de plusieurs influences : la poésie classique, le rap conscient, les récits de fantasy, le théâtre et même le jeu de rôle. Chacune de ses expériences alimente sa création.

Derrière la voix scénique, il y a un homme discret. Calme, réfléchi, curieux. Très actif dans le monde associatif entre 2019 et 2023, Adil a été membre d’AIESEC, ENACTUS, ROTARACT. Ces engagements lui ont permis d’élargir ses horizons, de mieux comprendre les dynamiques sociales et humaines. Aujourd’hui, il continue d’agir, mais à travers les mots. Il vit à Fès, ville d’histoire et de contrastes. Là, il continue d’écrire, entre deux journées de travail, entre deux silences. Il ne court pas après le temps, il le sculpte, texte après texte.

Il est clair qu’Adil Bennis incarne une nouvelle génération d’artistes marocains : ancrés dans le réel, ouverts sur le monde, nourris de diversité. Sa trajectoire dans le slam est encore jeune, mais elle est déjà riche. Son écriture est celle d’un homme qui cherche à comprendre, à transmettre, à relier. En montant sur scène, en livrant ses mots au public, il participe à ce grand mouvement qui redonne au verbe sa puissance. Celle de rassembler, d’éveiller, de transformer.