Dans une salle de classe transformée en scène, un enfant de dix ans déclame un poème. Il parle de ses rêves, de ses peurs, de l’ambiance de récréation dans sa cours d’école, de ce qu’il voit dans son quartier. Autour de lui, d’autres enfants écoutent, applaudissent, rient parfois. Ce n’est pas un concours, ni une dictée, mais un atelier de slam. Une pratique artistique en plein essor, qui trouve peu à peu sa place dans les écoles, les centres culturels et les associations. Et si le slam devenait un outil d’éveil pour les plus jeunes ? C’est le pari de nombreux artistes et pédagogues en Afrique et à travers le monde.
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Le slam, un outil d’expression précoce
Le slam est très souvent associé aux adolescents ou aux adultes. Pourtant, il séduit de plus en plus les enfants. Des ateliers sont organisés dès l’âge de 6 ou 7 ans, dans des écoles primaires, des bibliothèques ou en milieu associatif. Leur objectif : permettre aux enfants de s’exprimer librement, sans contrainte grammaticale, sans censure ni compétition.
Dans ces espaces, les enfants sont invités à écrire, à dire, à ressentir. Ils parlent de leur quotidien, de leur famille, de l’école, mais aussi de sujets plus poussés comme la peur, l’amitié ou l’avenir. Les enfants ont des choses à dire, parfois très fortes. Et le slam leur donne un cadre pour les formuler.
Les ateliers reposent sur une pédagogie active. L’enfant choisit ses mots, invente son rythme, ose prendre la parole devant les autres. Ce processus encourage le développement du langage, de l’écoute, et surtout de la confiance en soi.
Un impact mesurable sur l’éveil et la créativité
Plusieurs études, notamment en France et au Québec, ont montré les effets positifs du slam sur le développement cognitif et émotionnel des enfants. L’Université de Montréal a publié en 2020 une recherche indiquant que la participation régulière à des ateliers de slam améliore la fluidité verbale, la mémoire de travail et la capacité à structurer un récit.
En Afrique, où les ressources éducatives sont parfois limitées, le slam devient un outil d’éveil accessible. Il ne nécessite ni matériel coûteux ni infrastructures complexes. Un stylo, une feuille et une oreille bienveillante suffisent.
Des collectifs et associations de slam organisent depuis des décennies des ateliers dans les écoles publiques de grandes villes. Et comme souvent, les résultats sont tangibles : amélioration du vocabulaire, développement de la pensée critique, baisse du décrochage scolaire… Les enfants qui participent à ces ateliers deviennent plus à l’aise à l’oral et plus attentifs en classe.
La construction de soi à travers les mots
Au-delà des apprentissages scolaires, le slam joue un rôle essentiel dans la construction identitaire. Prendre la parole, c’est affirmer qu’on existe. Pour un enfant, c’est une manière de se reconnaître, de se positionner dans le monde. C’est aussi une forme de libération, surtout dans des contextes où la parole de l’enfant est peu valorisée.
Dans certaines zones rurales ou quartiers défavorisés, le slam devient un espace de liberté. Il permet de casser les hiérarchies habituelles. L’enfant n’est pas seulement un élève, il devient un auteur, un interprète, un messager. Il apprend à écouter les autres, à respecter la différence, à prendre la parole sans violence. Plusieurs artistes animent régulièrement des ateliers dans ce sens. Leur approche combine poésie, rythme, théâtre et conscience sociale. Ils insistent sur l’importance de la bienveillance, de l’écoute et de la valorisation de chaque voix.
Un levier pour l’éducation inclusive
Le slam peut aussi jouer un rôle dans l’éducation inclusive. Il permet d’intégrer des enfants en difficulté scolaire, des enfants en situation de handicap ou issus de milieux marginalisés. Parce qu’il repose sur l’oralité, il contourne les blocages liés à l’écrit ou à la grammaire. Il libère les élèves dyslexiques, les enfants allophones ou ceux qui ont du mal à suivre le rythme scolaire classique.
Malgré ses effets positifs, le slam reste encore marginal dans les politiques éducatives. Peu de ministères de l’Éducation l’intègrent officiellement dans les programmes scolaires. Les ateliers reposent souvent sur des initiatives individuelles ou associatives, avec peu de soutien institutionnel et des financements précaires.
Pourtant, certains pays commencent à s’y intéresser en lançant des programmes pilotes des écoles publiques, associant slam et apprentissage des langues. Ces démarches ouvrent la voie à une reconnaissance plus large. Elles posent aussi la question de la formation des enseignants, de l’intégration du slam dans les manuels scolaires, et de la collaboration entre artistes et éducateurs.
Une poésie d’avenir pour les enfants
Le slam n’est pas une solution miracle, mais il est une réponse simple aux défis éducatifs contemporains. Il offre aux enfants un espace d’expression, de création, d’écoute. Il les aide à mieux se connaître, à mieux comprendre les autres, à mieux apprendre.
Dans un monde saturé de bruit, il leur apprend à parler avec sens. Dans une école souvent centrée sur la performance, il valorise l’émotion, la sincérité, l’originalité. Dans une société où les enfants sont parfois réduits au silence, il leur donne une voix. Donner la parole aux plus jeunes, c’est leur donner une place. Le slam leur tend le micro. Il est temps de les écouter.