Quand le verbe rencontre la foi : l’univers slam gospel d’Abed-Négo

Alors que le slam-poésie connaît une expansion fulgurante en Afrique, certains artistes comme le slameur tchadien Abed-Négo De Nazareth ont choisi d’y intégrer des éléments de spiritualité et de gospel. Cette fusion unique offre une nouvelle dimension à l’expression artistique, permettant de toucher les âmes et d’élever les consciences.

Le slam-poésie, apparu dans les années 1980 aux États-Unis, a rapidement trouvé un écho en Afrique, où il est devenu un outil de communication et de contestation. En mettant en avant la performance orale et l’interaction avec le public, le slam permet aux artistes de transmettre des messages poignants sur des sujets sociaux, politiques et personnels. Aujourd’hui, de nombreux slameurs africains intègrent des éléments religieux et spirituels dans leurs œuvres, créant ainsi un lien profond avec leur public. Le slam fusionne aussi désormais avec des éléments de gospel et de spiritualité. Ce phénomène artistique, vecteur de messages puissants et souvent engagés, se voit enrichi par des thèmes religieux, offrant une nouvelle dimension à la scène culturelle africaine. L’incorporation de la spiritualité dans le slam-poésie n’est pas seulement un reflet de la diversité culturelle du continent, mais aussi un moyen de toucher les âmes et d’élever les consciences.

Le gospel, musique religieuse née dans les communautés afro-américaines, a également trouvé une place importante en Afrique. Les thèmes du gospel – espoir, rédemption, foi résonnent fortement avec les expériences quotidiennes et les aspirations spirituelles des Africains. En intégrant des chants gospel et des références bibliques dans leurs performances, les slameurs enrichissent leurs récits et ajoutent une profondeur émotionnelle et spirituelle à leurs messages. Cette fusion permet de toucher un public plus large et plus diversifié.

Nous avons eu le plaisir de rencontrer Abed-Négo de Nazareth, étudiant en 6ème année de médecine et champion national de slam-poésie du Tchad en 2022. Il est également un slameur gospel reconnu. Nous nous sommes entretenus avec lui sur le lien entre la foi et le slam-poésie.

Afro Slam : Pourquoi as-tu choisi le slam-poésie pour porter la parole de Dieu ?

Abed-Négo de Nazareth : Je me suis décidé à utiliser le slam poésie pour porter la parole de Dieu pour les raisons suivantes : tout art se pratique avec le cœur, l’écriture c’est l’expression de l’âme. C’est quand je suis devenu chrétien, avec l’expérience de la nouvelle naissance que j’ai décidé de faire le slam gospel. Cela traduit juste l’état de mon âme, chaque jour, je pense à Dieu, je lis sa parole, je marche avec lui. Ce n’est que mon expérience quotidienne avec Dieu que j’exprime en slam. Je pourrais dire que mon slam gospel n’est que la prédication de l’Evangile qui est une mission de tout véritable chrétien mais qui est sous forme artistique. Je suis un prédicateur slameur. J’ai donc introduit mon statut de prédicateur dans celui du slameur et vice versa. Mon art de Slam représente ce que je suis et ce que j’ai à l’intérieur de mon cœur.

Afro Slam : Quels sont les principaux défis et obstacles que les artistes de slam-poésie africains doivent surmonter lorsqu’ils abordent des sujets religieux ? Comment parviennent-ils à trouver un équilibre entre leur message et les attentes de leur communauté ?

Abed-Négo de Nazareth : Les défis et obstacles sont énormes. Tout le monde n’a pas les mêmes croyances et convictions que nous. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi on parle de Dieu, lui qui depuis toujours fait l’objet de débats et divisions. C’est avec beaucoup de sagesse, intelligence et stratégie qu’on équilibre le contenu de nos textes. Déjà que la Bible traite de presque tous les sujets de la vie, nous puisons en elle des messages adaptés à nos réalités en gardant la ligne éditoriale qui est centrée sur Christ.

Afro Slam : De quelle manière le slam-poésie gospel en Afrique s’inscrit-il dans un mouvement plus large de renouveau des expressions artistiques liées à la foi ?

Abed-Négo de Nazareth : Cet art est accepté dans presque toutes les dénominations. Il est un équilibre entre la vieille génération et la jeune génération. Il réunit la rue et le sacerdoce (par son côté littéraire) et chaque personne y trouve son plaisir.

Afro Slam : Quels sont les principaux thèmes religieux que tu cherches à mettre en avant dans tes œuvres ?

Abed-Négo de Nazareth : Les principaux thèmes sont : le salut des âmes, la sanctification, la prière et surtout la personne du SAINT ESPRIT.

Afro Slam : Y a-t-il beaucoup de slameuses et slameurs sur le continent africain qui pratiquent cet art dans un but d’évangéliser les peuples ?

Abed-Négo de Nazareth : Oui, ils sont nombreux même si nous ne nous connaissons pas tous. Il y a des jeunes congolais, ivoiriens, tchadiens qui font cela. Je connais quelques guinéens aussi.

Afro Slam : Souvent on taxe les musiques “non gospels”, de “musiques du monde”. Comment en tant que chrétien, tu reussis à faire accepter le slam dans ton église ?

Abed-Négo de Nazareth : Cette question retient particulièrement mon attention. Au fait pour dire vrai, il n’existe pas de musique chrétienne, non. Il n’y a que des paroles chrétiennes qu’on peut adapter à tous les genres de musique (slam, rap, reggae…). La seule différence est que certaines couches ne sont pas à l’aise avec certains types de musique. Mais ça n’explique pas que c’est mauvais. Dans mon église, on fait du tout. Voilà pourquoi je n’ai pas fait assez d’efforts pour que le slam y soit accepté.

Afro Slam : Quels sont les avantages uniques du slam-poésie pour aborder et transmettre les messages religieux ?

Abed-Négo de Nazareth : L’avantage c’est que nous travaillons aussi pour Dieu comme tout le monde (pasteur, évangéliste…). Nous sommes acceptés par d’autres slameurs, puisque le slam reste notre dénominateur commun. Pour nous c’est un avantage. Sinon il y a plus de sacrifices que d’avantages, quand c’est à l’église ou dans les programmes chrétiens.

Afro Slam : Quand on est un slameur gospel, est-ce qu’on est aussi encré dans la tradition du slam sur fond de revendications, de défenses de personnes vulnérables…

Abed-Négo de Nazareth : J’avais dit précédemment que la Bible traite presque tous les sujets de la vie. D’ailleurs je dirai que c’est nous du gospel qui devons plus sur fond de revendications, défendre les personnes vulnérables… puisque la Bible dit qu’on est le sel de nos sociétés et aussi la lumière du monde. La seule différence avec les autres, c’est dans la manière de faire. Nous le faisons avec amour, paix… alors que d’autres expriment parfois la colère, la haine… dans leurs textes.

Afro Slam : Tu as été champion national de slam-poésie du Tchad en 2022. Ensuite tu as représenté ton pays à la Coupe d’Afrique de Slam-poésie à Addis-Abeba puis à la coupe du monde à Bruxelles. A chaque fois, tu as compétit avec des sujets religieux ?

Abed-Négo de Nazareth : Non je n’ai pas compétit avec de textes qui parlent de Dieu clairement. C’est comme aller composer le bac ou tout autre concours. Si on me donne un sujet de dissertation, je ne peux remplir ma copie avec des versets bibliques. Je ne peux seulement en donner 1 ou 2 pour appuyer mes idées. J’aborderai tout intellectuellement, sans parler aussi des choses qui peuvent nuire à ma foi chrétienne.

Afro Slam : Quel est l’avenir du slam gospel en Afrique selon toi ?

Abed-Négo de Nazareth : Je crois qu’avec l’aide de Dieu, on arrivera à nous réunir ensemble, les slameurs africains ou ceux du monde entier autour d’un événement qui fera avancer cet art, le slam gospel.

Afro Slam : Quel est ton plus grand rêve ?

Abed-Négo de Nazareth : Mon plus grand rêve dans ce domaine : c’est le FESTIVAL INTERNATIONAL DU SLAM GOSPEL, une plateforme regroupant tous les slameurs gospel du monde.

Afro Slam : Des projets en vue ?

Abed-Négo de Nazareth : Amener le slam dans toutes les églises du continent. Animer des ateliers pour transmettre nos petites expériences aux cadets qui arrivent.

Afro Slam : Un dernier mot à l’endroit de nos lectrices et lecteurs ?

Abed-Négo de Nazareth : Je finis par une interrogation à l’endroit des lectrices et lecteurs : Êtes-vous nés de nouveau ? Êtes-vous sauvés ?